Chapitre 34 (1/2)

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« Les belles âmes arrivent difficilement à croire au mal, à l’ingratitude, il leur faut de rudes leçons avant de reconnaître l’étendue de la corruption humaine. »

Honoré de Balzac

Le corps, combustible de choix, s’enflammait pour de nombreuses raisons. Le désir charnel, la nature, le sport, l’art, la musique, l’histoire… Il suffisait qu’une envie subsiste pour qu’elle ne vous quitta plus et vous consuma les membres à les réduire en poussière. Cette urgence, elle était tout entière en Pia.

Sortir.

Sortir.

Sortir.

L’obsession. Il fallait franchir la porte de cette chambre. Aller. Voguer. Voler. Sentir le vent contre ses joues, le soleil lécher sa peau, le chant des oiseaux l’assourdir, l’herbe sous ses pieds. Retrouver l’éternelle insouciance de l’enfance.

Ses visites au piano ne la contentaient plus.
La vie, le monde, ce dont elle avait soif.
Elle bondit, la résolution au corps. Un, deux, trois, quatre et cinq pas pour atteindre la porte. Cependant, en s’attaquant au battant, la prime intrépidité se flétrit. C’était tout un univers qu’elle allait découvrir en pleine autonomie. L’inconnu, une familiarisation en terre aborigène.

La canne ! Pia saisit sa compagne de galère. Elle se sentait mieux. Il suffisait qu’elle soit entre ses doigts et l’inquiétude fondait comme neige au soleil.

Ce n’était pas la première fois qu’elle partait à l’aventure. Néanmoins, ce n’était pas n’importe quelle expédition, la gueule du loup. Sur quoi pourrait-elle tomber ? Des cellules ? Des corps ? Et puis quoi encore ? Des douves et un pont-levis ?

C’est avec la lassitude des tergiversations psychiques qu’elle se mit en action. À trop redouter l’imprévu, la vie la frôlait sans jamais la percuter. Elle passait à côté.
Un pas. Pas d’explosion, de flammes, de cris… Elle marchait sur des charbons ardents. Au bout du compte, n’étaitce pas elle, son meilleur bourreau ?

Elle s’élança à tâtons, petit à petit… Et elle n’en voyait pas le bout, au sens propre comme figuré. C’était absolument immense ! Par quel miracle retrouverait-elle sa chambre sans aide ?

De justesse, elle évita une sévère chute dans un escalier. Savait-elle seulement à quel étage elle se trouvait ? Rez-de-chaussée, avec du pot. Elle poursuivit sa route. La chance souriait aux audacieux : la chaleur et le vent… L’extérieur.

Cela sonnait comme une étrangeté. Si longtemps sevrée, Pia reprenait goût à ce monde aux allures impossible. La tranquillité… Ses joues se crispèrent en une moue incontrôlable, toujours davantage. Ça tremblait jusque dans le cœur, ça frémissait, ça grondait en vagues, ça bougeait inexorablement, ça roulait sous la peau tendre et claire… Elle souriait, tout simplement.

Le soleil – dont le rayonnement faiblissait – devait être en train de se coucher. Le petit veinard, ça fait bien longtemps qu’il m’a quitté, moi, le sommeil ! Le vent lui caressait les pommettes, vivifiant et sopitif. Il semblait susurrer « l’avenir sera meilleur ». N’y avait-il pas la lumière après les ténèbres ? À cette hypothèse, le Seigneur soumettait aux hommes un témoignage éclatant : mort, le plus beau se profilait depuis sa crypte ; la résurrection. Pia attendait la sienne, celle qui lui purifierait l’esprit.

Oh ! N’était-ce pas ? Si ! Des petits oiseaux lui faisaient l’honneur de quelques ritournelles, juchés sur leurs hauts branchages. Les animaux apportaient la luronne candeur nécessaire. À droite, à gauche, au-dessus d’elle… C’était partout à la fois et elle devait se concentrer pour suivre les passages bruyants et rapides des volatiles.

Si bien qu’à batifoler, elle atterrit sur les fesses, saisit d’allégresse face à sa propre bêtise. Alors elle gloussa. Puis elle rit encore plus fort, sans même en avoir envie, sans qu’il y ait une raison, juste pour évacuer ce son trop longtemps muselé. Ce que l’on contient finit toujours par peser sur l’âme.
Ce n’est qu’une fois satisfaite de cette extraction qu’elle se tut, demeurant allongée dans les brins d’herbe asséchés par l’ardeur solaire.

Tel le chat qui sort ses griffes et les rétracte à de multiples reprises, elle laboura la terre, la malmenant légèrement par l’avidité qu’elle avait de l’éprouver. Puis l’euphorie retomba lentement, comme l’énergie s’évapore après une intense séance de natation. Seules triomphaient la langueur et la fatigue, poussant Pia à fermer toujours plus les paupières.

Était-ce à même le sol qu’elle allait rattraper ses heures de repos boycottés ? C’était bien parti en cette voie lorsqu’un intrus perturba le silence d’une démarche vive. Intriguée, elle fit appel à ses coudes, y prenant appui. Sa tête tournait en tout sens. Par délicatesse, l’on s’exprima enfin :

–C’est moi…

Son cœur bondit en sa poitrine. Comme si « moi » équivalait la force du défibrillateur. En fait, ce n’était pas les mots, mais bel et bien l’allocutaire qui la troublait.
Et pendant qu’elle tranquillisait la petite pompe thoracique, elle demeurait muette. Dani déduisit qu’il n’était pas le bienvenu.

–Je ne voulais pas t’importuner. J’ai simplement vu que la porte de ta chambre était ouverte et… tu n’y étais plus.

Se pouvait-il que l’inquiétude ait motivé sa recherche ?

Péniblement, il se justifiait. Il s’excusait d’être, de faire irruption dans sa bulle. Pourquoi fallait-il qu’il soit si prévenant ? Pardi, il lui avait acheté un piano !

–Apparemment, tu vas bien. Je ne te dérange pas plus.

Aussitôt dit, aussitôt fait, Dani volta. Il n’employait pas la force, il n’insistait pas. Dieu seul savait comme elle aurait préféré ! Ça lui aurait évité d’admettre qu’elle ne voulait pas qu’il la quitte…

–Reste !

Ne vous est-il jamais arrivé de ne pas contrôler ce drôle de muscle qu’est la langue ? Que celui qui a toujours maîtrisé sa parole jette la première pierre à Pia. Car cette supplication n’était que le fruit du désir profond qui l’habitait. Un besoin déraisonnable, fou, immoral.
Dani ne bougeait plus. Le calme omniprésent en attestait. Tu… peux rester si veux. Voilà ce qu’elle brûlait d’affirmer. Mais Pia préféra l’aphonie, prenant le risque du silence, celui qui pourrait laisser croire à Dani qu’il avait mal compris, celui qui offrait les porosités nécessaires à l’infiltration du doute.

Cependant, il prit place à ses côtés. Sa prière avait été exaucée. Pia savoura chaque seconde de la proximité qu’ils partageaient. Elle était semblable à celle des leçons de piano, à la différence près que l’instrument comblait les vides de leur mutisme respectif. Les oiseaux tentaient, à grand renfort de gazouillement, d’alléger l’atmosphère. Une lutte aérienne veine. Rien n’était en mesure de réduire à néant le poids des non-dits. Seule la parole en viendrait à bout.
Après une profonde inspiration, elle abolit les chaînes qui l’entravaient.

–Pourquoi m’as-tu menti ?

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La confrontation arriiive ! Vous avez hâte ? Le prochain chapitre sera bien plus long, en espérant que ça vous satisfasse ♡

La confrontation arriiive ! Vous avez hâte ? Le prochain chapitre sera bien plus long, en espérant que ça vous satisfasse ♡

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À mercredi !
Adriana Dreux ♡

𝐀𝐕𝐄𝐔𝐆𝐋𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant