Chapitre 4

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CHAPITRE 4

Brunch

『Mycroft 』 

Voici deux mois que je bénéficie d'une aide précieuse dans mon quotidien. Gail se révèle efficace, mais aussi de bon conseil.

Le matin, normalement, je m'empare toujours d'un peu de café pour m'éveiller, prends une viennoiserie et fonce m'enfermer dans mon bureau pour éviter qu'on me dérange. Quand j'ai avalé ma gourmandise, je n'ai plus qu'à demander qu'on m'apporte le courrier pour le consulter. Ce rituel a changé, depuis, mais il me convient mieux.

En effet, Gail se charge de me préparer un petit-déjeuner dans la cuisine, souvent salé. Certes, fini le plaisir du sucre tous les matins, mais les plats de mon employée n'en restent pas moins savoureux. À ce stade de la matinée, le courrier a déjà été relevé, je sais qu'il est trié et rangé sur mon bureau. La table sur laquelle je mange ne reçoit plus désormais un seul papier, si ce n'est le journal de la journée.

Ce changement, anodin en apparence, m'a rendu à mon tour bien plus performant que d'ordinaire. Je suis mieux rassasié, je n'ai plus l'envie de m'arrêter de travailler en cours de route parce que je suis fatigué, mon corps se fatigant à lutter contre le sucre.

Les week-ends, en principe, les jumeaux Powell ne travaillent pas, mais je vois souvent Fletcher partir dans des pépinières, parfois loin, pour trouver des perles rares à placer dans mon jardin. Ce qui fait du bien à ce dernier : il est conséquent, pour une maison londonienne, mais n'a jamais vu autre chose que de la pelouse, depuis que j'y vis.

Quant à Gail, je pense qu'elle rend régulièrement chez mon frère, sans certitude. Tout ce que je sais, c'est que chaque dimanche je retrouve tout de même quelques croissants pour me sustenter : elle n'oublie jamais.

Gail... Celle qui emmagasine pour moi tous les détails que je ne peux conserver en mémoire. Tous les matins, elle me rappelle, de mémoire, le contenu de mon agenda pour la journée. Elle le ponctue des différents services, régit même jusqu'à l'heure de mes repas. Je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à tout cela en la prenant comme majordome.

La voilà encore en plein excès de zèle, alors qu'elle entre dans mon bureau après avoir frappé et entendu mon approbation.

— Vous savez que vous n'êtes pas obligée de frapper à chaque fois, Gail, lui fais-je remarquer.

— Cela serait inconvenant de ma part, monsieur.

— Vous venez ici près d'une dizaine de fois par jour, je reconnais même votre pas sur le parquet, je sais que c'est vous. Vous savez aussi que je n'attends personne, alors entrez, tout bonnement.

— Hé bien, je frapperai à cette porte une dizaine de fois par jour, monsieur.

— Puisque je vous y autorise, vous dis-je ! fais-je en la sermonnant.

Elle pousse une petite desserte sur lequel une nouvelle théière fait son apparition. Le parfum délicat d'earl grey emplit déjà la pièce alors qu'elle referme seulement la porte derrière elle.

— Pardonnez mon esprit de contradiction, poursuit-elle, mais je ne puis faire fi de ce genre de règle. Voyez-vous, il suffirait d'une fois pour que j'entre un jour sans frapper au mauvais moment.

— Si ce n'est que vous, Gail, cela ne me dérange pas. Et puis, que voulez-vous que je fasse dans mon bureau qui puisse vous le faire regretter ?

Je prononce cette question avec autant de légèreté que possible. Même si nos conversations ne sont que futilités, dès qu'elle entre dans la pièce, tout s'éclaire. Elle me permet de prendre une bouffée d'oxygène avant de replonger dans les méandres de la déchéance humaine.

Cœur Coquelicot [GxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant