Chapitre 13

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CHAPITRE 13

Digestif

『 Mycroft 』

La nuit est déjà bien avancée quand s'achève notre sortie. Je fais mine de trainer un peu, mais Gail n'est pas dupe : elle voit bien que je le fais exprès pour attendre que la majeure partie des badauds quitte les lieux. Cela la soulage un peu.

Je lui propose de patienter l'arrivée de notre chauffeur devant le théâtre pour sortir à notre tour, afin de rester au chaud. Elle me donne raison et nous discutons encore un moment avant de sortir.

— Comme ça, personne ne nous verra, assuré-je. 

— Je suis désolée, s'excuse-t-elle tout à coup. J'ai l'air d'une véritable capricieuse. 

Je vois dans ses yeux que quelque chose ne va pas, ou plutôt, dans son regard qui descend sur ses chaussures pour les fixer. Je rêve, elle est honteuse maintenant. Nous sommes tous les deux dans la loge à présent, qu'est-ce qui ne va pas encore ?

— Désolée, mais pour quoi voyons ?

— J'aime beaucoup passer du temps avec toi, je constate que ça me fait du bien. Je me suis amusée ce soir, mais je déteste, sincèrement, je déteste ces gens tout autour de nous. Ça m'empêche d'apprécier ce que je vis. En fait, ce qu'ils peuvent penser m'en empêche.

— Qu'est-ce qu'ils peuvent penser ? essayé-je d'en savoir plus.

— Mycroft, sincèrement, une majordome qui passe une soirée avec son patron, tu ne comprends pas ce qui est mal vu ? Ce qu'ils peuvent bien se dire en voyant cela. Cette image de moi ou de toi, qui peut se ternir ? 

— Je suis une personnalité invisible, très chère, je passe facilement inaperçue. Personne ne sait qui je suis, c'est d'ailleurs tout ce qui fait l'intérêt de ma fonction.

Je risque une main sur son épaule pour qu'elle relève enfin les yeux.

— Si ça peut t'apaiser, nous ferons attention. Seulement, je peux t'assurer que tu ne risques rien avec moi. Pas à ce sujet-là, d'accord ? Gail, cette soirée, c'était l'une des plus agréables que j'ai pu passer dans ce théâtre et je suis sûre que ta présence y était pour quelque chose. 

Je me permets de pousser ses lunettes sur son nez.

— Je n'aime pas m'afficher non plus, se détend-elle, c'est peut-être une bonne chose, en fin de compte. 

— J'en suis convaincu. Nous y allons, très chère ? 

Elle s'accroche doucement au bras que je lui tends, décidément bien mieux que quelques minutes plus tôt.

— Ça reste assez étrange d'entretenir une relation amicale avec son patron, en rajoute-t-elle.

— Ce ne serait pas ton premier exploit en matière d'inédit, la taquiné-je pour ne pas laisser remonter son angoisse. Tu as été l'amie de mon frère bien avant et, ça, je peux jurer que c'est inédit.

— Ce n'est pas vrai, il a un ami maintenant, son colocataire. Et vous vous entendez bien avec... La boss de la société de cybersécurité, là... mademoiselle Selens.

Je sursaute en entendant son nom. En réalité, il est vrai que j'apprécie la compagnie de la jeune relève de cette grosse société, elle a toujours plein d'idées qui me satisfont, mais de là à dire que c'est une amie...

— Tu ne sous-entends pas que... commencé-je.

— Je ne sous-entends rien, monsieur, prononce-t-elle avec ce trait professionnel exagéré, je constate, simplement.

Cœur Coquelicot [GxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant