Chapitre 17

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CHAPITRE 17

Après-dîner

『 Gail』

Je suis seule, seule avec le feu qui crépite bien trop fort dans la cheminée. J'essaye de me réchauffer par tous les moyens, mais mon corps est gelé en dedans. Mon être tout entier est vide, mon feu intérieur s'est éternellement éteint.

Je sombre dans les abîmes, désespérant de remonter un jour. Je souffre, j'ai mal, mais je ne peux plus rien faire pour me sortir de cette situation.

Colin ne s'est pas arrêté à ce verre qu'il souhaitait tant, il m'invite à dîner, me force à sortir dans des pubs qui me dégoutent, m'emmène voir ses films favoris au cinéma. Face aux gens, il agit en amoureux transis, parfait gentleman. Et ce paraître si courtois et mielleux me donne déjà envie de vomir.

Dès que nous sommes seuls, je fais tout pour m'extraire de son petit jeu de pouvoir, en vain. Il n'a de cesse de me faire chanter avec cet unique mobile : me dénoncer. Parfois, je voudrais simplement lui dire d'aller se faire voir, qu'il n'a qu'à parler. Que je m'en fiche. C'est faux, mais peut-être que le bluff marcherait ? Peut-être oui, mais je le connais. Il a raison. Il ne lâchera rien, il irait parler à Mycroft par acquis de conscience, simplement pour le plaisir sadique de me voir me décomposer.

Depuis, je m'éloigne de mon patron, de plus en plus. Je suis convaincue que si je m'éternise à ses côtés, il découvrira tout ce qui me tourmente. Je n'ai que trop bien connu son frère que pour faire cette erreur.

Je m'épuise, m'épuise à pleurer au lieu de dormir, m'épuise à sourire à tous alors que je ne souhaite que hurler, m'épuise à jongler entre ce chantage glauque et mon professionnalisme, m'épuise à rassurer Fletcher, m'épuise à rassurer Mycroft...

À force de m'épuiser, je suis exténuée. Mes nuits sont sans rêves, mes jours sans soleil. Je ne parviens même plus à rester optimiste face à la vie, ça me fait peur.

Je viens souvent le soir, quand je suis enfin débarrassée de ma journée, j'allume les flammes de la cheminée du salon quelques instants, pas trop, juste assez pour les admirer avant de me coucher. Il ne fait plus assez froid que pour le laisser la nuit. Je respire goulument sa chaleur, m'enivre du bruit que font les flammes quand elles dansent et s'entrechoquent les unes contre les autres.

Colin Lortie m'a eue. Il voulait une seule soirée avec moi, mais ça ne l'a pas contenté. Toujours menaçant, il a souhaité que je l'accompagne un autre soir. Il se libère des soirées entières, qu'il dédie à m'impressionner, à m'empêtrer dans ses liens. Il me force à aller au restaurant, voir SES films au cinéma. Il m'a même présentée comme sa compagne à certaines de ses connaissances ! Je croyais sincèrement qu'il finirait par se lasser. Après tout, n'avait-il pas été lassé de toutes les autres, à Genève ? Il va finir par me lâcher, non ? Non ?

Plus le temps passe, plus il trouve des occasions pour devenir de plus en plus collant. Plus tactile aussi. C'est déjà dur de le laisser m'enlacer, de me tenir la main, mais quand il se penche pour m'embrasser, je ne parviens pas toujours à le repousser. J'aimerais... J'aimerais tant lui flanquer la gifle de sa vie pour lui remettre ses neurones en place. Sauf que je ne peux pas, je suis à sa merci.

J'évite à tout prix de me retrouver en son unique compagnie, désormais. Je prie très fort pour qu'il finisse par en avoir marre et me dire qu'il va me laisser tranquille, mais ce moment n'arrive toujours pas et je crains, oui, je crains. Je crains qu'il ne finisse par avoir des gestes de plus en plus déplacés. J'ai envisagé la police, bien sûr, mais que vont-ils pouvoir faire ? Ils vont se moquer de moi, de ma peur, de mon mal-être ! Non, il vaut mieux pour moi d'endurer encore un peu, je suis sûre qu'il va se lasser, il DOIT se lasser...

Cœur Coquelicot [GxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant