Chapitre 24

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CHAPITRE 24

Déjeuner

『Gail』 

Une main m'agrippe l'épaule, je reconnais cette poigne, celle qui m'a enserré la taille avec fougue quelques jours avant.

— Mycroft... murmuré-je.

Ce que je redoutais le plus est en train de se dérouler. C'est dingue, les badauds se comportent à nouveau comme si nous étions invisibles. Signe qu'ils ne m'empêchaient de passer que pour voir le drame que cela présageait. Comme ça ne se passe pas comme ils l'imaginaient, ils s'en fichent. Bande de...

— Il va me falloir de très bonnes explications, me dispute mon poursuivant. Mais avant...

Il sort une paire de gants d'hiver de sa poche, en cuir marron, des gants fourrés. Je remarque alors qu'il a pris ma valise avec lui. Tout n'est donc pas perdu, je peux encore essayer de la récupérer, de monter dans le train.

Je sors de mes réflexions et saisis la paire de gants par réflexe, constatant que mes mains sont déjà couvertes de marbrures et la plupart de mes doigts sont bleus.

— Tu as tellement peur que tes mains en souffrent, regrette Mycroft. Alors, enfile ça et donne-moi tes mains.

— Non, c'est inutile, je...

— Abigail, quand vas-tu comprendre que... s'étrangle-t-il de frustration avant de me forcer.

Pour qu'il m'appelle comme cela, c'est qu'il est à bout, ainsi, je me tais.

Ses mains sont chaudes, je prends conscience qu'il a couru pour m'attraper. En réalité, il est en nage.

— Vous avez besoin de vous changer, monsieur, argumenté-je.

Je ne sais pas trop pourquoi j'ai dit cela comme ça, sans plus d'explication, ça doit être à cause de ce foutu nœud de cravate absolument affreux.

- J'ai un autre besoin plus urgent à combler, me coupe-t-il. Non, mais... à quoi tu pensais, bon sang ? Tu sais à quel point on s'est fait du souci pour toi, à traîner dans le premier quartier malfamé de la capitale, dans un hôtel miteux, alors que tu avais largement la possibilité de t'offrir mieux.

— Alors, tu savais où j'étais, me renfrogné-je.

— J'ai surveillé la ville entière pour trouver la moindre trace de toi, j'ai été jusqu'à surveiller tes comptes pour avoir des indices. Je ne l'ai pas fait de gaieté de cœur, crois-moi.

— Mais tu n'es pas venu me voir plus tôt.

— Seulement parce que ton frère me l'a déconseillé, il avait peur que tu te sentes aculée.

— Il a raison, confirmé-je.

— Quand j'ai vu que tu t'apprêtais à quitter les lieux, je ne pouvais plus rester là, juste te regarder t'en aller. J'ai pris les choses en main.

— Je comprends... je sais que tu es fâché, mais...

— Je ne suis pas fâché, me contredit-il. Non, je suis très triste, c'est tout. J'ai énormément de mal à traduire mes rares émotions en quelque chose d'éloquent pour le commun des mortels, nuance.

Et alors, je dois le prendre en pitié ?

— Qu'est-ce que tu fais ici dans ce cas ? Comment tu as su quel train j'ai pris ?

— Tu prends plusieurs tickets de train, mais une seule chambre d'hôtel. Ce n'était pas très difficile à deviner.

— Ça pouvait être une fausse piste.

Cœur Coquelicot [GxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant