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Treat You Better - Shawn Mendes

Victor,
quelques semaines plus tard,
Spa-Francorchamps.

Le Grand Prix a beau se dérouler en Belgique, les températures n'en sont pas moins étouffantes. En cette fin d'août, la pluie se manifeste par de gros orages et ne laisse dans son sillage aucun rafraîchissement, plutôt une atmosphère lourde qui vous colle à la peau. Assis dans mon vestiaire, je tente d'écumer la chaleur tout en enfilant ma combinaison. Avant de rejoindre mon équipe, je sors la feuille que j'avais rangée dans mon sac plus tôt dans la journée, la déplie et contemple les traits fins esquissés par une main habile. Mon visage, mais surtout le sien dans les gradins.

Je déglutis pour ne pas céder aux émotions et tente de faire passer la boule qui a élu domicile dans ma gorge, puis je range la feuille réduite en un petit rectangle dans la poche de mon tee-shirt. Je l'ai tellement regardée que les pliures en ont marqué les traits de fusain, mais ce n'est pas grave. Elle restera contre moi tout au long de la course, et j'aime à croire qu'elle me portera chance.

En sortant du vestiaire, je croise Barth qui émerge du son propre espace. Je cale mon pas au sien, silencieux. Barthelemy ne m'a toujours pas pardonné ce qu'il s'est passé à la fête d'Andrey. Je ne me le suis toujours pas pardonné moi-même. Il ne montre aucune animosité, jamais, mais il n'a pas ri avec moi depuis qu'Anita est partie. Il ne parle que si besoin est, et je ne l'ai pas vu sourire en ma présence non plus. Ce qui devait arriver arriva, j'ai perdu deux des personnes les plus chères à mon cœur.

— Barth, je voulais te dire...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, parce qu'Anita sort du vestiaire d'Hugo au même instant. Je me stoppe net, tout comme mon meilleur ami qui fait halte. Nous la contemplons tous les deux partir au bout du couloir. Elle ne nous a pas vus, et j'en éprouve à la fois du soulagement et une grande détresse.

— T'as vu ce que tu as fait, imbécile ? À chaque fois que je traine avec toi, j'ai peur qu'elle m'en veuille. Mais c'est Anita, alors elle ne m'en tient pas rigueur.

— S'il-te-plaît, Barth, le supplié-je. Je peux pas continuer comme ça, à me faire ignorer par mon meilleur ami. Par mon frère ! Tu es mon soutien le plus précieux, O.K. ? Sans toi, je m'écroule. Anita était mon pilier et je ne m'en rendais même pas compte, alors je t'en prie, ne m'abandonne pas.

Barthelemy tapote rapidement du pied par terre, faisant rebondir ses tresses contre son torse. Il ne les a pas encore regroupées, alors elles s'emmêlent entre elles, créant un joyeux fouillis dans ses cheveux toujours impeccablement nattés.

— Tu as merdé, assène-t-il sévèrement comme une sentence irrévocable. Mais tu as raison.

Barth soupire, et je relève la tête, surpris par ce changement soudain de ton. Ses lunettes de vue tombent sur son nez. Il ne prend pas la peine de les redresser lorsqu'il s'adresse à nouveau à moi.

— On a grandi ensemble. On a déjà perdu Hugo, je ne crois pas que je pourrais faire une croix sur toi aussi. Encore un de plus, ce serait trop. J'ai choisi mon camp entre vous deux, ce n'est pas pour te lâcher maintenant. Alors même si tu m'as fichu dans une situation inextricable, c'est pas grave. On va passer au-dessus tous les deux.

La grande main de mon meilleur ami vient heurter mon épaule et me ramène contre lui. J'encercle son torse avec mes bras en une accolade de gratitude, et je crois bien que je suis à deux doigts de verser une larme quand la porte du vestiaire d'Hugo s'ouvre à nouveau.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

— Vic... tente de me tempérer Barth.

— Je sors de mon vestiaire, comme tu le vois. Et je vais pour rejoindre ma petite amie.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant