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Those Eyes - New West

Anita,
une semaine plus tard,
Monza, Italie.

— Qu'est-ce que tu fais ?

L'air de rien, j'attrape ma feuille de dessin et la froisse entre mes mains, optant pour une attitude détachée. Ces derniers temps, j'ai appris à jouer la comédie.

— Pas grand chose. Il y avait un bel oiseau ce matin, mais j'ai oublié les détails et je n'arrive pas à le restituer sur ma feuille.

— Très bien, souffle Hugo tout en vérifiant sa tenue.

Je me saisis de mon crayon de papier et le fais pivoter entre mes doigts en une rapide danse que j'ai appris à maîtriser avec le temps. C'est un peu comme mon talent insolite. Je contemple Hugo, le voyant à moitié, tout en laissant mes pensées divaguer vers des zones d'ombre de mon esprit.

Peut-être n'est-ce qu'une vulgaire impression, qu'une paranoïa provoquée par les échos de ce délaissement auquel je me suis pliée. Je l'espère. Parce que j'ai l'impression qu'Hugo s'éloigne. Je ne le blâmerais pas si c'était le cas. Il a la pression constante de son écurie sur les épaules et en pleine saison, il enchaîne les courses et le danger se profile plus souvent à l'horizon que dans mon cas de petite dessinatrice émérite.

— De quoi j'ai l'air ?

Je cesse de mordiller la gomme de mon crayon, dépose celui-ci sur le bois de la table et me lève, marchant lentement vers lui. Arrivée à sa hauteur, j'agrippe le haut de son col pour le remettre en place, et une fois fait, je laisse mes mains retomber jusque sur sa poitrine.

— D'un super pilote sexy en diable.

Il sourit, dépose un rapide baiser sur mes lèvres. Puis il saisit délicatement mes poignets, les laisse retomber le long de mon corps, et s'en va vers la salle de bain. Quant à moi, je croise les bras sur mes seins et soupire en me tournant vers la baie vitrée qui m'offre une vue sur l'extérieur. C'est exactement de ça dont je voulais parler. Si Hugo me coule toujours ces regards langoureux, s'il continue à m'embrasser comme si j'étais la seule et unique merveille de son monde, le temps qu'il m'accorde s'amoindrit. Je le sais, je le sens. Cette idée me fatigue plus que de raison. Est-ce que je devrais redoubler d'efforts ? Lui offrir la nuit qu'il attend depuis des mois ? Est-ce que je suis le problème ? Peut-être que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même ? Et si je n'étais pas assez bien, et qu'ils s'en rendaient compte un à un ?

Quand Hugo pousse la porte de la chambre derrière lui, prenant le chemin du circuit, je sens les larmes poindre à la commissure de mes paupières. La migraine me gagne peu à peu, et je n'arrive pas à lutter. C'est trop compliqué. Je ne sais plus où me mettre, je ne sais plus qui je suis, ni même qui j'ai été. Je n'ai aucune idée d'à quel moment j'ai commencé à laisser mes relations influencer ma façon d'agir et de penser.

Non. Je me mens.

Chancelante, je me rapproche du canapé et m'échoue dessus comme une bouée abandonnée en mer rencontrerait la plage d'une île déserte. Dans un état semi-conscient, je lance la télévision et laisse une sitcom humoristique défiler sans y prêter grande attention.

Je sais exactement quand le regard que je me porte a commencé à changer, pourquoi et à cause de qui. Mais c'était il y a longtemps. Et parfois je me dis que cela remonte tellement qu'il est logique que je ne me souvienne plus de ce qui est acceptable dans une relation ou non.

Pole position.

Je souris en découvrant le message de Barthelemy. Mon ami est doué. Indubitablement, irrévocablement et injustement doué.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant