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Pumped Up Kicks - Foster The People

Anita,
quelques heures plus tard,
Bologne.

La tête me tourne. Attachée à une chaise, les mains liées par des torchons dont il ne m'a pas défaite depuis des jours que nous sommes là, mon corps entier est engourdi. Mes chevilles sont elles aussi fixées au meuble, ligotées par des liens en plastique exagérément serrés. J'ai mal au crâne, tellement mal que je n'arrive plus à discerner la source de ma douleur. Est-ce mes larmes presque intarissables ? La déshydratation ? Le bruit infernal de la foule qui résonne derrière les murs fins comme du papier à cigarette de la chambre où je suis retenue ?

Et puis-je même l'appeler une chambre lorsque ce lieu ne me semble que bâtiment désaffecté, à peine pourvu d'une table et d'un matelas sur lequel mon bourreau prend ses quelques heures de sommeil ? Depuis plusieurs heures, je suis seule ici. Lenny est parti en ville, probablement chercher de quoi manger. Et comme depuis cinq jours, je n'y aurai pas droit. Je meurs de faim, il me donne à peine de quoi subsister, mais je tiens bon.

Je sais que Victor aura compris mon appel. Il a abandonné trop vite, son ton était trop calme pour qu'il pense vraiment à me "laisser partir". Lenny n'y a vu que du feu. Il s'est moqué, aussi.

« Ton prince charmant ne tenait peut-être pas autant à toi qu'il le laissait entendre. »

Il n'a pas compris l'allusion à la Grasse, ni celle à la cachette sous le bureau. Et j'ai beau me dire qu'il est fou, il n'aura jamais un gramme de réflexion dans son cerveau malade. Il n'est que sadisme, douleur et mépris. Aujourd'hui, je me demande comment j'ai jamais pu sortir avec lui. Maintenant que j'ai Victor, je me rends mille fois mieux compte d'à quel point mon ex était mauvais. Lui ne m'a jamais chérie. Jamais il ne m'a offert quoi que ce soit, jamais il ne m'a adressé le moindre signe de tendresse, ou même d'amour.

- Je suis de retour, mon lapin.

Je sens les larmes pointer aux coins de mes yeux, mon visage se déformer sous le coup du dégoût. Lenny referme la porte à clefs, un sac duquel s'échappe une odeur plus qu'alléchante à la main. Je ne sais pas ce que je pourrais donner pour son contenu à cet instant, mais le prix n'en serait que largement rentable pour les restaurateurs qui ont concocté ce plat.

Lenny s'approche de moi à grands pas insouciants, comme s'il n'était qu'un mari venant saluer sa femme après une journée de travail. Une fois à ma hauteur, il empoigne mes cheveux pour maintenir ma tête droite et fond sur mes lèvres. J'aimerais tant le mordre... mais ma bouche est scindée d'un tissu enroulé qui empêche le moindre mouvement. J'essaie de retenir mes larmes, vraiment... mais son goût infâme dans ma bouche, sa salive se mélangeant à la mienne... c'est trop.

- Oh, chérie, soupire-t-il, faussement blessé par ma réaction. Tu me déçois. Tu m'avais pourtant dit que nous resterions toujours ensemble, tu m'avais promis... Tu n'es qu'une menteuse.

Son comportement change soudain, il devient froid, distant. Il prend du recul, penche la tête sur le côté pour mieux observer mon visage ravagé, puis, sa main toujours dans mes cheveux, il m'assène une gifle qui fait valser ma tête sur le côté. Vidée de toute force et volonté, je la laisse pendre. Je n'ai plus le courage de résister, je me laisse aller. Et advienne que pourra.

J'ai tout essayé, pourtant ; mes liens ? Trop serrés pour que je m'en défasse. L'amadouer pour qu'il me détache ? Même s'il était assez naïf, je ne pense pas avoir la force nécessaire pour le mettre K.O. Lui voler la clef et réussir à m'enfuir sans qu'il me rattrape ? J'ai essayé de faire tomber la chaise une heure qu'il était parti, pour la faire se briser et me libérer. Elle a tenu bon, et tout ce que j'ai récolté à son retour, incapable que j'étais de me rasseoir correctement, a été une paire de coups de poings bien sentie.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant