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Wish You Were Sober - Conan Gray

Anita,
un mois plus tard,
Zandvoort.

C'est un enfer.

La musique gronde dans les enceintes de la boîte de nuit, les basses font vibrer mon cœur en rythme, si bien que j'ai l'impression d'avoir une attaque à chaque intervension du beat. Les spots colorés éclairent la pièce et m'aveuglent toutes les dix secondes. Tout le monde ici est ivre ou camé jusqu'à la moelle, certains sentent le vomi, d'autres la clope froide ou la vieille sueur accumulée après avoir remué sur la piste de danse.

Assise à une table reculée, je contemple ce spectacle de débauche avec un verre de soda à la main. Si Hugo n'avait pas gagné, j'aurais refusé de l'accompagner ici. Seulement voilà, en cet instant je vendrais jusqu'à mes organes au plus offrant pour me retrouver dans ma chambre avec un vinyle en marche et un bouquin sur les genoux. De temps à autre, je vois un des vingt pilotes divaguer avant de se faire engloutir à nouveau par la foule en folie. Pitié, tout le monde ici est tellement... bourré. Même Hugo en a plusieurs coups dans le nez. Je vois d'ici le retour à la chambre. Mince, je n'ai pas signé pour le soutenir sur sept étages, même avec un ascenseur.

— Comment ça va ? hurle Barthelemy en se faufilant à côté de moi sur la banquette luxueuse du carré VIP.

Il sent l'alcool, mais il a toujours l'air maître de ses moyens. Soulagée de cette présence fugitive dans un environnement qui me file plus d'insécurités que les coins les plus sombres du Bronx, je lui adresse un sourire reconnaissant et me laisse aller contre le dossier.

— C'est super de le voir heureux, crié-je pour me faire entendre.

— Je n'ai pas demandé comme il allait, mais comment toi, tu allais.

Je réalise alors à quel point je me sens fatiguée. C'est de ces instants où vous avez envie de pleurer juste parce que tout ce que vous désirez c'est un lit, de ces instants où vos muscles se transforment en guimauve, où vos paupières sont lourdes et lasses.

— Je suis fatiguée.

Je n'entre pas dans les détails. De toute façon, avec le bruit ambiant, ce n'est pas le moment pour une séance de psy. Barth hoche la tête, comme si son esprit en parfaite symbiose avec le mien lui permettait de ressentir ces sensations à ma place.

— Ouais, je comprends. Moi aussi. Je vais rentrer. Tu m'accompagnes ?

— Je dois ramener Hugo. Aucun d'eux n'est assez sobre pour conduire, et je doute qu'ils aient le réflexe d'appeler un taxi quand ils ont toutes leurs voitures de course prêtes à l'emploi sur le parking. Il faudra que je m'occupe de ça. Et puis, il risquerait de se tromper de chambre si je ne suis pas là.

— Hugo, hein, marmonne Barth.

Il n'a pas parlé fort, mais je n'ai eu aucun mal à lire sur ses lèvres. Je sais qu'il ne l'aime pas beaucoup. Pas du tout, même. Et j'ai l'impression qu'il y a certaines choses dont je ne suis pas au courant. Mais, oui. Je suis trop fatiguée pour creuser plus loin. Et après tout, cela ne me regarde peut-être pas. Peut-être que ce n'est qu'une querelle entre eux. À cet instant, je me fiche de tout. Il aurait pu avoir fait un plan à trois avec le roi d'Angleterre et le Dalaï Lama que ça me passerait au-dessus.

— Je te laisse, alors. N'abuse pas, quand même. Si tu es trop fatiguée, rentre. Ça craint ici, t'as pas besoin de te forcer à rester.

Je le remercie d'un faible sourire qu'il comprend et s'éclipse en direction de la sortie. Rectification ; je pourrais vendre mes organes au plus offrant pour être à la place de Barthelemy à cet instant précis.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant