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High By The Beach - Lana Del Rey

Victor,
trois semaines plus tard,
Arabie Saoudite.

L'épaule callée contre le cadrant de la porte de notre chambre d'hôtel, je contemple ma compagne tordre son corps pour n'en faire plus qu'une boule de membres décousue. J'incline la tête sur le côté pour essayer de comprendre dans quel sens exactement elle effectue cette figure, mais tout ce que je distingue, c'est son front ou peut-être sa joue qui dépasse derrière son tibia gauche. Ou droit.

Je suis un sportif. Chaque jour de ma vie, je m'entraîne à la musculation et m'étire, mais je ne pourrais jamais atteindre un tel niveau de souplesse.

— Cesse de ruminer.

Sa voix est si claire que je pourrais presque m'attendre à la trouver assise sur le lit si elle ne se contortionnait pas sous mes yeux.

— Vous avez fait un mauvais temps à Bahreïn. Soit. Vous vous rattraperez. Ce n'est que le début de la saison et après tout, rien n'est décisif. Et pour ce que j'en sais, vous avez tous les deux démarré en mauvaise posture. Alors si le résultat n'est pas optimal, ce n'est pas grave.

Elle extirpe un de ses bras de l'amas de chair qu'elle a confectionné, puis une cheville, sa nuque, émerge un sein, puis une jambe, un autre bras et enfin, la voilà assise en tailleur qui me fait face. Pas pour longtemps, puisqu'elle écarte les jambes en un grand écart et s'allonge sur la droite.

— Tu n'as pas d'os, ce n'est pas possible autrement, soupiré-je. Ou ils sont flexibles.

Sa voix explose en un éclat délicieux et ses mèches aux reflets caramel luisent lorsque les rayons du soleil en captent les nuances.

— Tu ne réponds pas à la question.

— Tu n'as pas posé de question.

— C'est vrai, mais tu sais quand même que j'attends une réponse.

Je soupire, décroise les bras et viens poser ma tête contre ses cuisses désormais collées pour un ultime étirement.

— Tu me déranges, déclare-t-elle, faussement agacée.

— On n'a jamais fait un aussi mauvais chrono.

— Mais vous avez dû encaisser une pénalité, un raté au changement de pneux et Andrey vous a bloqué le chemin assez longtemps. Je ne trouve pas que ce soit si mal. Dis-toi que ce n'était qu'un échauffement.

— Mais ça ne l'était pas, justement, m'énervé-je.

— Calme-toi, Vic. Arrête de te mettre autant de pression pour rien. Vous n'avez même pas encore couru le deuxième Grand Prix que tu t'imagines déjà perdre le championnat !

Je ferme les yeux et soupire pour évacuer l'anxiété qui s'enroule autour de ma gorge tel un étau glacé.

— Tu vas y arriver. On a tous les deux vu les essais d'hiver. Vous avez une voiture rapide, et vous êtes deux immenses pilotes. Ce n'est qu'un temps d'adaptation.

Anita dépose un baiser sur mon front tandis que je me cache les yeux avec les paumes de mes mains, soudain épuisé.

— Quelle place tu as eue ?

Sa voix s'est soudain faite plus douce, comme si elle s'adressait à un animal apeuré. Elle a été obligée de rater les qualifications à cause d'un rendez-vous vidéo avec un producteur d'Hollywood. Je ne lui en veux pas, mais je veux faire durer le suspense.

— Je ne sais pas si je devrais te le dire, marmonné-je finalement.

— Ça ne peut pas être si terrible.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant