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Gilded Lily - cults

Anita,
un mois plus tard,
Monaco.

Assise à la table du salon avec ma sitcom en bruit de fond, un pinceau coincé entre les dents, un derrière l'oreille et un crayon à la main, je planche sur mon nouveau job qui recquiert l'utilisation de mes aquarelles. Je ne me débrouille pas trop mal pour l'instant, même si je ne suis pas habituée à travailler avec ce type de matériau, mais je suis contente de mon travail.

Il est deux heures de l'après-midi et je suis toujours en pyjama, une assiette à peine entamée de pâtes repose en face de moi et j'ai ignoré deux appels de Vic. Ce goujat ne mérite pas mon attention aujourd'hui. Je céderai probablement à son harcèlement d'ici ce soir, mais pour l'instant je veux lui faire savoir que je n'ai pas apprécié ses mots. Il n'avait pas le droit de me forcer à cracher le morceau. Ma vie d'avant, celle où je vivais encore au manoir de Sartre et avais une relation avec Lenny, je ne suis pas encore prête à la lui raconter. Sauf que non seulement il a insisté, mais il a en plus appelé Henry quand il a compris que je ne dirais rien.

Heureusement pour lui, mon frère n'a pipé mot.

Mais j'en veux à mon copain d'avoir essayé d'extorquer ces informations que j'aimerais lui dévoiler aussitôt que je me sentirai à l'aise. Je comprends que cette zone d'ombre l'irrite et attise sa curiosité, mais il n'avait pas le droit de me forcer la main.

Mon smartphone résonne à nouveau dans le salon et je décide que c'en est assez. Résolue, j'éteins l'appareil et me remets à mes esquisses. Au bout d'un quart d'heure, c'est la sonnette de la porte d'entrée qui vient perturber ma tranquillité. Agacée, je me redresse et pars ouvrir en remettant un peu d'ordre dans mes cheveux. Mon bas de jogging et mon tee-shirt tous deux chapardés dans l'armoire de Vicky ne sont pas très flatteurs, mais après tout, on vient me déranger chez moi.

Je déverrouille la serrure et ouvre la porte, un sourire déjà fixé aux lèvres. Sourire qui se fige aussi vite qu'il était apparu quand je découvre la personne qui se trouve sur mon palier.

— Tu as tellement changé, souffle-t-il, ses doigts venant effleurer ma joue.

Son contact me répugne et me donne la nausée, mais je suis pétrifiée sur le pas de la porte. Ma main agrippée au chambranle devient douloureuse au fur et à mesure que je referme mon emprise sur le cadran, mais je ne desserre pas mon étreinte. L'homme qui se tient devant mes yeux, en costard chic et jolies chaussures en parfait opposé à ses anciennes manières, n'était plus qu'un fantôme pour moi. Ce genre de fantômes qui vous hante encore, mais dont vous vous pensez à l'abris.

Manifestement, j'avais tort.

— Lenny, chuchoté-je à mon tour.

***

Enfermée dans ma maison, j'ai veillé à ce que toutes les possibles entrées soient verrouillées. J'ai même fait un tour pour fermer la fenêtre du grenier alors qu'il lui faudrait grimper sur le toit pour l'atteindre. Je sais qu'il est toujours là, qu'il rôde autour de la maison. J'entends ses pas crisser sur les graviers, ses doigts pianoter sur les carreaux et mon cœur, lui, bat si fort que je m'étonne presque de percevoir ces sons.

Mais j'ai peur. Alors tous mes sens sont accrus, surtout mon ouïe. Je suis dissimulée derrière le canapé, l'idée qu'il rentre dans la maison par quelque moyen que ce soit ou qu'il me voit me paralyse. Mon téléphone sur la table basse me nargue, mais j'ai tellement peur de sortir de ma cachette... Je sais que je vais devoir m'en servir, mais si jamais il me voit...

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant