Speed ; Victor

7. ✔️

Valse - Evgeny Grinko

Victor,
7 mois plus tôt,
Monaco.

— J'ai trouvé ce pantalon en ville, tout à l'heure.

Comment Barth et moi avons pu louper cette occasion ? En rejouant le playback de notre séjour au Japon il y a quelques mois, je tente d'analyser les moments où Martinez nous a devancés trop facilement à mon goût.

— Qu'est-ce que tu en penses ?

Notifiant la présence d'Anita, je lève la tête vers elle et comprends assez vite de quoi il retourne lorsque je l'aperçois essayer ses achats de l'après-midi, le sac encore posé à côté d'elle.

— J'aime bien la couleur, approuvé-je distraitement en retournant à mon écran.

— Il est... noir.

— Oui, c'est joli. Tu parais plus grande.

Elle fait ensuite silence, enchaînant avec un pull en laine beige.

— Tu l'aimes ?

— Tu sais bien que oui.

Cette fois, je ne prends pas la peine de relever la tête.

***

— Je vais voir Rose. Tu m'accompagnes ?

— Pour vous entendre discuter fringues et people ? Non merci.

— Tu dis n'importe quoi. Rose n'est pas comme ça et tu sais très bien que je ne suis pas portée sur ce genre de choses non plus.

Non, je ne sais pas. Je ne sais pas parce que je ne m'intéresse pas à toi. Je ne sais pas parce que je n'ai pas envie d'apprendre à te connaître, à créer de nouveaux liens. Notre amitié a cessé d'exister dès l'instant où tu as commencé à m'aimer et je ne me suis jamais vraiment rapproché de toi. Aujourd'hui, j'en ai encore moins envie, parce que tout ce qui me rapporte à toi n'est qu'une source d'agacement.

Un instant, j'ai peur que les mots m'échappent. Mais par je-ne-sais quel miracle, je les retiens, évitant de la blesser par la même occasion. Anita ne mérite pas cette part acerbe du parfait petit ami qu'elle croit avoir dégoté. Si la situation me rend plus mal à l'aise que jamais, je ne dois pas pour autant déchaîner ce sentiment sur elle.

Mais c'est plus fort que moi.

C'est tellement facile de s'en prendre à elle.

— Peut-être, mais je ne veux pas venir. J'ai mieux à faire.

***

Anita prépare des nouilles accompagnées d'une soupe aux légumes quand je pénètre dans la cuisine. Elle m'informe que c'est bientôt prêt et poursuit sur un sujet quelconque que je n'écoute pas, un écouteur sur deux vissé dans mon oreille. Lorsqu'elle dépose enfin les plats sur la table, je prends place sur le siège qui m'est généralement assigné et commence à mastiquer en lui souhaitant vaguement un bon appétit. Elle recommence à parler, et je ne l'écoute toujours pas. Il n'y a qu'après avoir repoussé mon bol de soupe qu'elle se stoppe.

— Ça ne te plaît pas ? Je peux faire autre chose, si tu veux.

— Ça va. Je vais commander.