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Wicked Games - The Weeknd

Anita,
sept jours plus tard,
Australie.

La sensation du sable sous mes pieds est désagréable. Il se faufile entre mes orteils, dans les pans de mon jean déchiré, je le sens même voler jusque dans mes yeux et irriter ma peau. Les genoux relevés contre ma poitrine, mes bras autour de mes jambes, je tente de reprendre une respiration normale en concentrant mon attention sur l'aube qui se profile devant moi, aussi gracile qu'une colombe en vole. Les couleurs rose orangé m'apaisent en quelque sorte, mais mon cœur bat toujours aussi vite.

Je suis seule ici, sur cette plage privée sur laquelle personne ne met probablement les pieds. Ici, il n'y a pas assez de monde pour se montrer. Or, les occupants de cet hôtel aiment bien trop ça, se montrer.

Alors me voilà ici, encore tout habillée, la tête calée sur mes bras, à essayer d'oublier. Mais mes pensées virevoltent trop vite, je n'arrive pas à les saisir pour les enfermer dans un endroit où elles ne m'embêteraient plus.

Tout ça pourquoi ? Parce que j'ai osé aller dîner dans un simple jean troué, une paire de sneakers et un top fleuri. Dès que j'ai eu posé un pied sur la terrasse, je les ai sentis. Tous ces regards rivés sur moi, ces bouches tordues comme pour me demander "mais pour qui tu te prends, toi ?". Pendant tout le repas, c'est comme si leurs yeux me touchaient, me crachaient dessus. Je pouvais presque sentir leur contact. Et puis tout est arrivé très vite. On nous avait à peine apporté le dessert, et cette femme, aussi élégante que venimeuse, est passée à toute vitesse à côté de moi pour renverser son verre "par maladresse" sur mon haut encore souillé. Le champagne a séché, mais mon top est raide là où il s'est déversé.

Elle s'est excusée à grands renforts de cris suraiguës, m'a fait passer tout un tas de serviettes, puis elle s'est éclipsée. Si seulement elle n'avait pas gloussé en rejoignant ses trois congénères, j'aurais presque pu croire à son numéro. Et moi ? Moi, j'ai souri doucement, à murmurer des "ce n'est pas grave" à tout va. Victor, Andrey... ils ont tous ri. Je ne les en blâme pas. Je ne les ai pas laissés penser que cela m'embêtait. J'avais trop peur de passer pour une fille susceptible, je crois. Mais j'aurais juste aimé qu'ils comprennent. Qu'ils sentent.

Et alors je me suis excusée, je suis sortie de table, ai dit à Victor de manger ma pâtisserie et je m'en suis retournée dans la chambre. Quand il est rentré, je dormais. Je n'ai pas eu le courage de me changer. Je voulais juste un peu de répit.

Et puis, il est arrivé.

— Essaie au moins de rentrer le ventre.

Je m'exécute promptement, contractant chaque muscle de mon abdomen. Je plaque un sourire de connivence sur mes lèvres et écoute à moitié les amis de Lenny qui hurlent de rire des blagues lourdes.

— Merde, tu fais aucun effort. Je passe pour quoi, moi ?! Et regarde comment tu es fringuée ! On dirait que tu sors d'une brocante.

La rage habite tellement son visage que le muscle sous sa narine frémit de dégoût. Je l'ai déçu, encore.

— Ils se foutent tous de moi, et c'est ta faute.

Il se rapproche de moi, donne un coup dans mon épaule qui projette mon corps sur la gauche. Ses mains agrippent ma nuque, mon cou.

Je me suis réveillée. Victor dormait. Il avait ouvert les fenêtres qui donnent sur la plage. Je suis sortie, et j'ai perdu la notion du temps. Je sais juste qu'il faisait nuit noire quand j'ai posé le premier pied dans le sable. Mais était-ce cinq heures ? Trois heures ? Deux ?

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant