40.✔️

20 2 0
                                    

Car's Outside - James Arthur

Anita,
quelques mois plus tard,
Abu Dhabi.

Cramponnée à la barrière de sécurité devant moi, je contemple le spectacle qui se déroule sous mes yeux avec une certaine appréhension à laquelle se mélange l'excitation des derniers instants de la course. Plus que deux tours avant le verdict qui signera la victoire du futur tenant du titre de champion du monde de cette année. Barthelemy a DNF au milieu de la course, alors même qu'il conservait une solide seconde place derrière Andrey. Un problème de moteur.

Maintenant, tout se joue entre le polonais et mon petit ami. L'étau est serré, plusieurs fois les deux compétiteurs se sont doublés, mais à présent c'est Andrey qui mène la danse, Vic pas bien loin dans ses rétroviseurs. Si seulement il pouvait atteindre une zone de DRS, il prendrait la tête et, au vu du temps restant, n'aurait pas trop de difficultés à conserver sa première place.

Plus qu'un tour, à présent. Il y a plus d'une dizaine de secondes entre Victor et le pilote derrière lui, raison pour laquelle mon petit ami se permet d'être offensif sans faire attention à ce qui se passe dans son dos. Les virages défilent, à la fois trop vite lorsque l'on espère un dépassement, et trop lentement pour ces minutes décisives. Inconsciemment, mon corps se penche pour mieux apercevoir la course. Les grands écrans disposés pour donner une vue d'ensemble sur les monoplaces captivent mon attention, mais peu à peu, le désespoir s'empare de moi. Andrey défend trop bien...

Mes yeux s'embuent, parce que je sais comment Victor prendra cette défaite. Depuis Imola, il s'investit davantage dans tout ce qu'il entreprend. S'il a intensifié ses entraînements et vu son nombre de podiums se multiplier, il ne m'a pas mise de côté pour autant. Même si ce n'est pas toujours facile, s'il y a des disputes, Vic n'a jamais abandonné. Après l'incident qui m'a conduite à l'hôpital, il m'a épaulée lors de mon rétablissement et continue de m'aider lorsque je fais des cauchemars, que mes angoisses reviennent sans raison apparente ou lorsque j'ai tellement peur que l'envie me prend d'aller dormir dans la cachette sous le bureau. La première fois qu'il est parti seul pour un Grand Prix, je n'ai pas passé une nuit dans notre lit. Maintenant, c'est fini. Je ne suis plus aussi paralysée à l'idée de me retrouver seule. Je m'en serais remise sans lui, mais il m'a aidée à m'en sortir plus rapidement et en me réconfortant comme il se doit.

Il est devenu plus câlin, aussi. Plus tactile. Il n'hésite pas à m'embrasser en public et m'emmène toujours faire de nouvelles activités, pas toutes à mon goût je dois dire. Mais c'est pour tous ces efforts qu'il dispense que le voir échouer si près du but aujourd'hui me peine autant.

Mais au tout dernier virage, alors que je m'imagine déjà que tout est perdu, je me rends compte que j'ai parlé trop vite. Victor, dans un accès de folie, s'engage dans un trou de souris entre la barrière et la monoplace d'Andrey. Le public retient son souffle, figé devant la scène de pure beauté qui se déroule sous nos yeux. C'est comme si l'action de Vic se déroulait au ralenti. Son dépassement est propre, il effleure la barrière sans la toucher, aucun point de contact n'est à signaler entre les deux voitures. C'est beau. Un vrai chef-d'œuvre, de l'art pur. Peut-être le meilleur dépassement qu'il ait jamais effectué.

Lorsque le drapeau à damier est agité quand la monoplace de Vicky franchit la ligne d'arrivée, le public met un temps à fêter sa victoire, encore sidéré par l'action qui s'est déroulé sous ses yeux, complètement imprévisible. Moi-même, il faut que le bruit ambiant me réveille pour que je me mette à applaudir comme une forcenée. Lorsque tous les pilotes ont passé la ligne d'arrivée, mes paumes sont rougies par mon engouement.

À présent, bien droite derrière les barrières séparant le public du podium, je contemple la monoplace de mon petit ami roulant au pas se frayer un passage jusqu'à la place surélevée où il doit se stationner. Rapidement, il en sort, retire son casque et se plante sur son véhicule. Il tourne frénétiquement la tête de gauche à droite, puis ses yeux se posent sur moi. Ses jambes s'activent d'elles-mêmes. Il saute de la carrosserie de son véhicule, évite les obstacles sur son chemin et accourt dans ma direction. Ses bras encerclent mes épaules, je sens son casque cogner l'arrière de mon crâne, mais ça n'a pas d'importance, pas plus que l'odeur de sa sueur ou ses muscles qui me serrent trop fort.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant