29. ✔️

14 3 0
                                    

Set Fire To The Rain - Adele

Victor,
onze heures plus tard,
aéroport de Nice.

Ronnie est furieux. En effet, le team principal de mon écurie n'a pas été ravi d'apprendre que je faisais nuit blanche pour aller chercher mon ex à Nice, d'autant plus que je n'ai pas été des plus concentrés après midi hier.

Mais ça n'a pas d'importance. De toute façon, avais-je vraiment le choix ? Mes réactions m'affirment que non. Mes mains tremblent encore dans mes poches, alors que je m'applique depuis une demi-heure à les planter dedans tellement fort que je suis bien heureux de porter une ceinture. Je suis arrivé avec deux heures d'avance. Barth a voulu venir, mais j'ai refusé. J'aime mon meilleur ami, mais il aurait été de trop. Il l'aurait senti, en plus. C'est d'ailleurs probablement pour cette raison qu'il n'a pas insisté.

Mais que fait-elle ? Le panneau d'affichage indique que son avion a atterri il y a déjà cinq minutes. Mais aussitôt, mes craintes de recevoir le message fatal qu'elle n'a pas pu venir s'estompent. À travers le plexiglas qui me sépare de la salle aux tapis roulants, je l'aperçois attraper sa valise et la faire rouler derrière elle. Ses talons en frappent plusieurs fois le tissu abîmé, son regard furte autour d'elle.

J'aimerais l'appeler. Hurler son nom, puis courir jusqu'à elle, agripper sa taille et la serrer contre moi. Mais j'en suis incapable. Mes pieds restent fermement plantés dans le sol, ma bouche s'entrouvre et se referme comme celle d'un poisson dans son bocal. Je me contente de la contempler me chercher avec un froncement de sourcils inquiet, comme si elle avait peur que je ne sois pas là. Puis c'est mon nom dans sa bouche. Ce chuchotis qui me ramène à quelques heures auparavant qui me paraissent être une éternité. Mon corps se couvre de chaire de poule, je reste ébahi devant le hall des arrivées, la voyant s'approcher petit à petit jusqu'à moi.

Ses lèvres sur les miennes. Ses cheveux raccourcis qui effleurent à peine ses épaules que j'attrape à pleine poignée maintenant que je le peux. Son nom. Mon nom. Un mélange des deux.

— Tu es revenue. Tu es revenue...

Je sens la larme perler mais la refoule. Elle n'a pas besoin d'être mal à l'aise dès son retour. En revanche moi, j'ai besoin d'elle.

Elle effleure la gersure sur ma lèvre, cette petite crevasse que j'ai creusée il y a treize heures, quand je refusais qu'elle entende ces plaintes que me causait le susurrement de sa bouche énonçant mon prénom.

— Je ne compte pas encore repartir. Mais je suis fatiguée... rit-elle doucement.

— Bien sûr ! me réveillé-je, alerte. Viens avec moi.

J'attrape la anse de sa valise, glisse un bras autour de son buste. J'aimerais dire que c'est parce que je veux la soutenir après ces longues heures de vol sans sommeil. Mais c'est juste parce que je veux la sentir contre moi. Avoir la forme de sa taille au creux de ma paume. Sa joue à portée de mon étreinte. Arrivés devant l'Aston, je lui ouvre la porte, jette hâtivement son bagage sous réserve d'abîmer mon bolide et grimpe derrière le volant. Mais je n'ai pas le temps de mettre le contact. Se penchant par dessus la boîte de vitesse, Anita enroule les bras autour de ma nuque. Elle ne m'embrasse pas. Elle se contente de se reposer contre moi, douce et sereine, dans cette position inconfortable qui lui convient pour autant parfaitement.

Tout à coup, je sens une goutte froide s'écraser contre la peau de mon épaule à demi découverte par ma chemise à moitié boutonnée, plus par empressement qu'effet de mode. Son corps est parcouru de tremblements, de soubresauts, mais elle reste silencieuse. Quant à moi, tout ce que je peux faire se résume à ceinturer sa taille de toute la force de mes bras. Je veux l'avoir contre mon corps, la sentir se modeler contre moi. Mais ses larmes... ses larmes me font peur. Elles engendrent une terreur irascible qui entache cette confiance si fragile que je m'étais forgée.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant