15. ✔️

26 2 36
                                    

Lover Of Mine - 5 Seconds Of Summer

Anita,
le soir même,
Spa-Francorchamps.

— Ce n'est pas grave, rassuré-je Hugo en déposant la clef de notre chambre d'hôtel sur le meuble de l'entrée. Tu as fait tout ce que tu as pu. Ils étaient simplement déterminés à conserver leur première place.

— J'aurais pu y arriver.

— Tu ne peux pas gagner à chaque fois.

— Putain, arrête ça, crache-t-il. J'aurais pu les avoir, ces fils de putes, et ce n'est pas toi qui n'a jamais conduit plus que ta berline qui vas me dire ce que j'étais capable ou non d'accomplir.

Mes genoux flanchent une seconde, et je me rattrape in extremis à la poignée de la porte de la salle de bain. Hugo ne m'avait encore jamais parlé ainsi. Voilà quelques mois que je n'avais pas entendu de tels propos à mon encontre, mais la sensation est toujours la même. L'impression profonde et venimeuse d'être une moins que rien, un PNJ dans un jeu vidéo.

— Anita...

Hugo s'est retourné. Son visage est catastrophé, il a réalisé ce qu'il a dit.

— Ça, je ne crois pas que tu ais besoin que je te le dise pour comprendre que ça ne me faisait pas plaisir.

Il m'appelle, me supplie de rester, mais j'en ai ma claque d'attendre que les hommes soient assez dégourdis pour me parler correctement. Je ferme la porte à la volée derrière moi, furieuse, et traverse le couloir comme une tornade. Mais je ne fais pas attention, et à l'intersection suivante, je percute un torse. L'impact frappe mon nez de plein fouet, cependant je ne peux pas m'attarder sur ce détail.

C'est lui qui se tient debout face à moi. Il est surpris, mais surtout mal à l'aise. J'en ai assez de cette journée à la noix. J'emploie mes deux mains pour le repousser comme si ce n'était pas moi qui lui avais foncé dedans, lui assène un dernier regard assassin et prends la direction des ascenseurs.

***

La nuit noire m'enveloppe complètement, drap protecteur qui vous cacherait aux yeux du reste du monde, comme la cape d'invisibilité d'Harry Potter. Maintenant que l'air s'est rafraîchi, je suis plus à l'aise dans ma robe fluide. Mais j'avais mal aux pieds, alors j'ai enlevé mes escarpins. Nus dans l'herbe parfaitement entretenue du terrain de golf de l'hôtel, je savoure la sensation des brins de gazon se faufilant entre mes orteils.

— Je ne te savais pas aussi matinale.

Je ne prends pas la peine de me retourner, me laisse lourdement tomber dans l'herbe. Je pourrais reconnaître cette voix entre des milliers. Je ne sais pas ce qu'il fait là, et je ne veux pas le savoir. Rien que l'idée de lui adresser la parole me coupe tout envie d'ouvrir la bouche, si ce n'est pour vomir sur ses chaussures hors de prix. Sauf qu'il est en chaussettes.

— C'est génial que Barth ait gagné.

Victor s'assoit à côté de moi, et je sens ses iris me peser comme deux haltères aussi lourdes qu'une hirondelle avec du plomb dans l'aile. Décidée à ne pas lui accorder ne serait-ce que le moindre coup d'œil, je me mets à arracher les épis verts du parterre impeccable. Avec un peu de chance, il perdra patience et déguerpira avant que je n'ai détaché chaque pétale de cette marguerite.

— Est-ce que tout va bien, avec Hugo ? Il ne m'a pas semblé très jouace sur le paddock, tout à l'heure.

Je reste mutique. Je n'ai rien à lui dire, je ne vois même pas pourquoi il essaie. Si c'est encore sa culpabilité qui le ronge, alors qu'elle aille le ronger ailleurs. J'ai bien assez de mon chagrin pour supporter en plus les états d'âme du principal acteur de mon mal-être.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant