Speed ; Victor

27. ✔️

If You Love Her (Acoustic) - Forest Blakk

Victor,
le même jour,
Monaco.

— Qu'est-ce qu'elle a dit ?

Barth ne me jette pas un regard et marche en direction de la cuisine. S'il n'avait pas été sur le canapé et moi dans le fauteuil, j'aurais pu croire qu'il ne m'avait pas entendu. Cependant, c'est le cas.

— Barth ! protesté-je, la voix partant misérablement dans les aiguës.

Je me redresse à mon tour et lui emboîte le pas. Accoudé contre le plan de travail, il sirote une boisson sucrée à la fraise tout en fixant le sol d'un air absent. Comme s'il n'était pas vraiment là.

— Barthelemy...

— Ne me Barthelemy pas, enfoiré ! Ce n'est pas gagné, mec. Vraiment pas, lâche-t-il la mine grave en posant le récipient dans l'évier. Elle... je crois qu'elle t'aime toujours, mais qu'elle ne veut pas reproduire une erreur.

Défait, je me laisse tomber sur un des tabourets de l'îlot central, complètement vidé de tout énergie.

— Et qu'est-ce que je fais alors ?

Ma voix s'étrangle sur ce dernier mot. Je sens la brûlure infecte des larmes pincer mes paupières, et j'éprouve soudain le besoin de sentir sa peau chaude contre moi.

Je ne suis pas beau à voir, j'en ai conscience. Habillé d'un survêtement, des poches de kangourous sous les yeux et les cheveux en désordre, j'ai l'air d'un toxicomane en manque de sa dose. Je suis pathétique. Ça fait des mois que nous ne sommes plus ensemble, et la douleur de cet éloignement me réduit petit à petit à néant, me tuant à petit feu. D'autant plus que cela fait trois mois que je n'ai pas pu effleurer le galbe de son visage des yeux. Cette distance est une torture que mon karma a su m'imposer à merveille. Surtout que Barth refuse toujours de me dire où elle se trouve exactement.

— Tu lui prouves que tu n'es pas une erreur, me répond mon meilleur ami. Et avant que tu demandes, non, elle n'est ni en Suisse, ni à Monaco, ni en Italie.

— L'Espagne alors ?

— Tu m'as déjà demandé la semaine dernière.

— Le Portugal ?

— Tu es aussi loin du compte que la distance Terre-Soleil, grommelle-t-il en rinçant son verre.

Je me tais, me rembrunis. Ce silence, aussi bien de la part de Barth que de celle d'Anita, me frustre plus que de raison. Je me sens à la fois comme un enfant en plein caprice et Roméo comprenant qu'il ne pourra pas avoir Juliette. Une Juliette d'or pour un Roméo de pacotilles.

— Je ne sais plus quoi faire... soufflé-je en recouvrant mon visage de mes mains.

— Tu n'as rien à faire, en réalité.

Je dévisage mon meilleur ami comme si le ciel venait de lui tomber sur la tête. Rien à faire ? Si c'était aussi simple, nous fêterions déjà nos noces de diamants accompagnés de notre descendance.

— Je ne plaisante pas, soutient-il sèchement. Tu n'as aucun effort à fournir pour la retrouver.

— Je ne te suis plus, là...

Il pouffe, se moque de moi. J'aimerais savoir ce qu'il y a de si drôle, parce que je suis loin de partager son hilarité. Baissant les yeux vers mes bras, je contemple les plaques rougeâtres qui se sont formées dans les pliures de mes coudes. De l'eczéma. Son absence me stresse plus encore que j'aimerais me l'admettre.

— Elle ne voudrait pas que tu lui déroules le tapis rouge et que tu la couvres de présents, ça non, commence-t-il en sirotant une nouvelle tasse, de thé cette fois. En fait, elle ne veut même pas de toi tout court, à l'heure qu'il est, du moins elle n'en est pas certaine. Mais... je crois que ce qui lui ferait plaisir, c'est que tu sois sincère. Que tu lui montres qui est le vrai Victor. Comment il parle, comment il se comporte. En soi, elle le sait déjà, c'est à cause de ton charme qu'elle s'est enrôlée dans cette panade. Mais elle ne sait pas comment elle se sentirait si c'était avec elle. Comment elle se sentirait comme ta petite amie légitime, pas une pâle copie de Lucy. Tu lui as déjà montré le pire en toi. Tu ne peux que l'impressionner à présent.