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20 2 16
                                    

Save Your Tears - The Weeknd

Anita,
deux jours plus tard,
circuit de Singapour.

Assise dans la tribune VIP, j'enfonce un peu plus ma casquette Pirelli sur mon crâne. Je ne sais même plus où je l'ai eue, elle doit appartenir à Hugo. Autour de moi, les gens m'ignorent à part quelques connaissances de longues dates qui me saluent rapidement. En soi, je ne suis pas sûre que beaucoup d'entre eux connaissent la raison de ma présence ici. Quand j'étais avec Victor, peu étaient au courant hormis les pilotes. Et Hugo et moi avons décidé de nous organiser de la même façon. J'aime le calme, la pression de la presse mi-sportive mi-people sur mes épaules ne me serait vraiment pas bénéfique.

Soudain, une clameur s'élève de la foule. C'est Andrey qui, après avoir réussi à se procurer la pole position lors des qualifications, fait son entrée sur la route parfaite du circuit. Dans la tribune à côté, je discerne plusieurs supporters venus tout droit de Pologne applaudir leur compatriote à grands renforts de cris et d'applaudissements. Certains ont même apporté une sorte de... corne de brume ? Seigneur, qu'est-ce que je ne donnerais pas pour être sur ma table de travail à cet instant ?

Suivent les autrent pilotes qui prennent place chacun sur leur position attitrée après le tour de chauffe. Barth est en P5. Je me force à ne pas regarder en direction de la monoplace de mon ex petit ami, mais c'est comme s'il m'avait entendue. Le moteur de son bolide vrombit avec force, me faisant automatiquement détourner le regard vers lui. P9. Ce n'est pas terrible quand on sait quels scores il fait ces derniers mois. Puis, le feu s'allume. Les moteurs hurlent, prêts à démarrer au quart de tour. Je sens soudain mon cœur se serrer dans ma cage thoracique et mes mains s'agrippent un peu plus fort au garde-corps qui sépare les gradins du vide. Lentement, je vois les feux signaler le début de la course s'allumer un à un. Immédiatement, mes oreilles bourdonnent. Le bruit des bolides ressemble à un essaim d'abeilles en colère.

Peu à peu, je sens la bile se frayer un chemin dans mon œsophage. Je ne peux taire cette petite voix qui murmure chaque fois que quelque chose va arriver. Je la déteste, et pourtant c'est toujours la même chose, elle me donne des sueurs froides. Et ce qui m'agace plus encore, c'est qu'elle ne hurle pas le prénom d'Hugo, paniquée. Non, elle hurle son nom, complètement angoissée à l'idée que quelque chose se passe mal. Parce que malgré tous les progrès technologiques de ces dernières années, ce n'est pas un halo de protection qui exclura entièrement la perte potentielle d'un pilote.

— Moi non plus, je n'aime pas beaucoup le voir courir.

Surprise, je porte mon attention sur l'homme qui se tient à mon côté. Samuel, le père de Victor, a le regard fixé sur la piste. Ses yeux suivent les virages aux courbes étourdissantes, et il semble soudain écrasé sous le poids des années. Soulagée qu'un miracle quelconque m'ait offert la possibilité d'ignorer ce qui se passe sous mes yeux, je me focalise entièrement sur Samuel, qui finit par s'asseoir sur les sièges des gradins juste derrière nous. Pour ma part, je ne tiens pas en place et préfère ainsi rester debout, me tournant de moitié vers lui.

— Victor contrôle. Il a compris la voiture qu'on lui a présentée cette année et il fait corps avec elle. Je ne crois pas que vous ayez de souci à vous faire.

— Tu es gentille de vouloir me rassurer, Anita, pouffe-t-il. Mais je sais que tu n'es pas plus à l'aise que moi avec l'idée de le voir flirter avec la mort ainsi.

— Je ne suis plus avec votre fils, Samuel. Je n'ai plus de raison de m'en faire pour lui.

— J'ai appris cela, oui. Mais... je n'ai pas l'impression que tu ne t'inquiètes plus pour lui. Pardonne-moi si je me méprends.

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant