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Someone To Stay - Vancouver Sleep Clinic

Anita,
2 mois plus tôt,
Monaco.

Je range les derniers crayons de couleur que j'ai utilisés dans ma trousse et contemple mon œuvre. Les regards de Barthelemy et Victor semblent authentiques, comme capturés par une photographie dans l'euphorie du moment. Je me saisis de mon téléphone que j'avais mis en silencieux pour travailler en paix et fronce les sourcils quand je découvre trois appels manqués d'Hugo et quatre messages non lus. Je clique sur la notification, curieuse de ce qu'il a à me dire. Hugo ne m'a pas beaucoup reparlé depuis l'altercation avec Vicky il y a quelques mois de cela.

Je suis désolé.

Je ne voulais pas te le dire.

Mais je ne peux pas te laisser continuer avec lui.

Victor aime voir, mais il préfère être vu.

Je fronce davantage les sourcils et clique sur les deux pièces jointes qui accompagnent ces étranges déclarations.

Et soudain, je vois flou. Je vacille, tente de m'accrocher quelque part. Mais je ne fais que m'affaler sur le plan de travail avant de m'écrouler au sol en emportant quelques assiettes avec moi. Je sens un poids sur mon bassin, là où mon corps a atterri, mais je n'ai pas mal. Il n'y a que mon cœur, mon cœur qui me lance et mon esprit qui ne veut toujours pas croire ce qui s'affiche pourtant sous ses yeux.

— Anita ! Anita, tout va bien ?

Victor accourt vers moi, sa combinaison encore maculée de l'huile de moteur de son Aston dont il rectifie la mécanique. Il attrape mon bras pour m'aider à me relever, mais je le repousse de toutes mes forces.

— Anita ? répète-t-il, confus.

Incapable de parler, je manque d'air. Je lui jette mon portable au visage, en espérant qu'il me détrompe, qu'il me promette que ce n'est qu'une méprise, un quiproquo absurde. Mais à son visage qui se décompose, je comprends que ce n'est pas le cas.

— Qu'est-ce qui est vraiment arrivé, cette nuit où tu m'as presque baisé les pieds en t'excusant ? craché-je, amère.

— Je suis désolé...

— Non. Dire que tu es désolé n'excusera pas ce que tu as fait, cette fois. J'ai tué une part de moi-même pour que tu continues à vaquer avec désinvolture à tes occupations. Mais ça ? Ça, ça ne faisait pas partie du contrat. Pendant des mois, tu as piétiné l'estime que j'avais de moi, tu as pris sans me donner quoi que ce soit, tu m'as blessée, et qu'est-ce que j'ai fait ? Je me suis excusée. Maintenant, j'ai besoin que tu me dises ce qui est vraiment arrivé, cette nuit où tu m'as presque baisé les pieds en t'excusant.

Victor se tait un long moment, me fixant dans les yeux comme s'il me suppliait silencieusement de renoncer. Mais c'est ce que j'ai fait pendant des mois. J'ai renoncé, tentative après tentative. Aujourd'hui, je ne lâcherai pas.

— Je... je l'ai embrassée.

Quelque chose se brise en moi. Littéralement. Je ne sais pas quoi de mon âme, mon amour propre ou mon cœur cause ce fracas, mais chaque bout de verre entaille un peu plus mes entrailles, ces mêmes entrailles qui pendant des années abritaient les papillons que me causait son regard.

— Mais ça ne signifie rien, continue-t-il, la voix chevrotante. Tout ce que je t'ai dit depuis, je le pensais. Merde, je ne le pensais pas, je le vivais. Lucy... elle est dérisoire à côté de ce que toi tu m'as fait ressentir.

— Oh, pitié Victor, cesse de me prendre pour une conne ! Je ne suis pas aveugle. Ces cadeaux que tu me faisais pour m'acheter, ces filles que tu charmais sous mes yeux, tous ces mots qui n'étaient destinés qu'à rendre fou Hugo. Je continue, peut-être ? Si, je vais continuer. Les cadeaux de Noël qui n'ont aucun sens, les rejets permanents de tout contact physique tendre, sans compter cette fois où tu as littéralement oublié mon anniversaire... Tu savais déjà peu de choses sur moi, mais tu n'as pas cherché plus loin. Je le savais, et je suis passée outre, parce que j'avais enfin l'honneur de faire partie intégrante de la fastueuse vie de Victor Joly, ironisé-je, acerbe. Parce que je t'aimais assez pour supporter toute cette indifférence. Je parie que tu ne sais même pas que je déteste la cuisine japonaise. Je la méprise, je l'abhorre. Merde... il y a même un temps où je ne mangeais plus que trois pauvres miettes, parce que je croyais que tu m'aimerais plus si je m'affinais. Mais ça non plus, tu ne l'as pas remarqué, n'est-ce pas ?

Speed ; VictorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant