Je conduis tranquillement jusqu'à Hobart et je me gare devant le palais de justice en avance. Une fois que j'ai fermé ma voiture, je rentre dans le bâtiment où m'attendent déjà mes avocats. De loin, j'aperçois la famille de Kamala qui me regarde fixement. Je sais que je devrais aller leur parler, je le sais très bien même. Mais je n'en ai pas le courage, je suis peut-être très lâche, totalement lâche même, mais je n'en ai pas la force, je ne veux pas entendre des accusations de leur bouche, je ne le supporterai pas. Je me doute bien qu'à un moment je vais bien finir par les entendre parler de leur fille et de sa disparition, il n'y a pas le choix, surtout pendant le procès, mais pas tout de suite, pas maintenant, pas directement à moi et pour moi.
Honnêtement, si j'avais le choix, je fuirais. Je sais que c'est complètement idiot, que c'est bien la dernière chose à faire sachant que je suis innocent, mais ce n'est pas pour autant que je n'en meure pas d'envie.
À l'heure du début du procès, je suis emmené par deux policiers dans la salle d'audience, comme un criminel que je ne suis pas.
Et à partir de là, j'ai l'impression d'être dans un film, de ne pas vraiment être là, sur le banc des accusés. Je sais bien pourtant que c'est la réalité et j'y suis préparé, mais sans doute pas assez, comment pourrai-je ? Comment pourrai-je être prêt à me retrouver face à des juges ? Peut-être que si j'ai de la chance, je ressortirai de là libre, mais ce n'est même pas sûr, rien n'est sûr. Officiellement vu les preuves qui pèsent sur moi, je ne devrai même pas être là, et pourtant... Alors qui peut prédire ce qu'il va se passer ? Personne, absolument personne et sûrement pas moi.
Derrière moi, j'entends plusieurs témoins ou spectateurs s'installer dans la salle, qu'est-ce que j'aimerai être à leur place plutôt que sur ce banc, encadré par des avocats voulant plaider ma cause et derrière moi, les deux policiers, toujours présents, comme si j'étais un danger potentiel qu'il fallait pouvoir retenir. En me retournant, je découvre d'ailleurs la présence d'Ekala et Djalu, mon unique réconfort, mais plus étonnant, il y a également le détective Kelly, ce qui est une vraie surprise, il ne m'avait pas prévenu, mais sa présence me rassure, comme si avec lui, rien ne pouvait mal se passer.
De l'autre côté se trouve seulement un avocat au côté des familles des victimes présumées, la famille de Kamala, évidemment et un autre couple, qui ne semble pas trop savoir ce qu'ils viennent faire ici et qui ne semble pas non plus avoir les moyens de financer le moindre avocat que j'identifie donc comme les parents de Marveen. Officiellement, il devrait aussi y avoir mes propres parents de ce côté-là, mais au moins, ils m'ont fait le plaisir d'être absent, même si c'est définitivement révélateur sachant que la famille de Marveen a fait l'effort de venir alors qu'ils n'ont même pas pris la peine de signaler eux-mêmes la disparition de leur fils.
Au moins, je peux reconnaître à mes parents qu'ils n'ont pas pris la peine de prendre des avocats par rapport à la disparition de leur fille, ça aurait été la meilleure. Au moins, ils sont assez conscients de la réalité pour savoir que le plus important actuellement, c'est la liberté de leur fils. S'ils étaient vraiment intelligents, ils comprendraient aussi que non seulement je ne m'en suis pas pris à Ophélie, mais personne ne s'en est pris à elle et qu'elle est partie de son plein gré. Malheureusement, je ne suis pas sûr qu'ils aient encore compris ça, je pense qu'ils sont encore convaincus qu'il y a un coupable dans la nature et qu'Ophélie ne serait jamais pu partir de son plein gré. Ils me font pitié à comprendre si mal leur fille. Au moins, s'ils voulaient se montrer utiles, ils auraient pu embaucher un avocat qui défende cette théorie, aussi fausse soit-elle. Mais sûrement qu'ils n'y croient pas assez et qu'ils me pensent trop impliqué pour se donner cette peine, après tout, je les ai entendus moi-même en parler.
Après quelques minutes, les juges rentrent dans la pièce et s'installent.
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À ce moment-là, commence le procès. Pendant quatre jours, différentes personnes prennent alors la parole, montrent des preuves, du côté des victimes et de mon côté. Au début, j'étais plutôt confiant, tout se passait comme prévu et sans surprise. Les témoins disaient ce qu'il y avait marqué dans les rapports. Les preuves étaient telles que celles que j'avais déjà vues avec le détective Kelly. Les exprès avaient les mêmes conclusions que celle que je connaissais déjà. Je raconte ma version des faits telle que je l'ai toujours raconté, conforme à la réalité que je connais.
Non, le vrai problème, c'est au quatrième jour, au niveau de la vidéo de surveillance, la fameuse vidéo. L'un des policiers en charge de l'enquête explique les circonstances connues avant de la montrer. Et face aux circonstances dont il parle, j'étais persuadé que la vidéo aurait quelque chose de bizarre par rapport à celle que le détective Kelly m'avait montrée, après tout, ce n'est pas possible que la police soit convaincue que Kamala ait disparu entre Margate et Kingston alors qu'on la voit sur les caméras de surveillances, c'est juste impossible. Et pourtant... La vidéo est exactement la même, aucune différence. J'ai une ou deux secondes de soulagements, avec ça, je serai forcément innocenté.
Mais l'instant d'après, je comprends qu'il y a un problème, la police ne peut pas montrer une preuve qui m'innocente alors qu'elle m'accuse coupable. En me retournant, je vois que trois personnes partagent mon incompréhension, Ekala, Djalu et le détective Kelly. Toutes les autres personnes présentent qui ne font pas partie de la justice me lancent des regards accusateurs. Comme s'ils avaient maintenant la preuve formelle que j'étais définitivement coupable et que ma version des faits ne coïncidait pas avec les preuves, alors que si.
Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais il y a un problème, un vrai problème, il y a quelque chose qui ne va pas du tout, impossible autrement, il y a un problème bien plus colossal que celui que j'avais imaginé jusqu'ici, qui me dépasse, qui nous dépasse tout, quelque chose d'inexplicable, d'incompréhensible.
J'aimerais en parler à quelqu'un. Avoir du soutien, mais il n'y a peu d'espoir, nous sommes en début d'après-midi du quatrième jour et les juges doivent rendre leur verdict ce soir... Mes propres avocats me regardent sans comprendre. J'ai l'impression que je suis dans un cauchemar et que je n'arrive pas à me réveiller, ce n'est pas possible, cette vidéo est censée m'innocenter, pas me rendre encore plus coupable et pourtant, c'est l'impression que je commence à avoir, j'ai l'impression que toutes les personnes de cette pièce me croient coupable. Et pour la première fois depuis le début de procès, je le sens vraiment mal. C'est vrai que les juges face à moi ne laissent paraître aucune émotion, mais je me doute bien qu'il pense la même chose que tout le reste de l'assemblée. Face à cette salle, j'ai l'impression que non seulement je ne pourrai pas être acquitté, mais qu'en plus, je vais finir en prison, ça semble inévitable alors que c'était le scénario le moins probable.
Après ça, à peine deux autres personnes prennent la parole, mais leur dire semble sans importance. Et les juges se retirent pour délibéré tandis que je suis contraint de rester là, assis, à attendre. Mais je peux déjà prédire la conclusion. Coupable. Le pire, c'est que je suis à peu près certain qu'il n'y a pas moyen de faire appel et quand bien même ce serait possible, ça n'aurait aucun intérêt, il y a quelque chose qui ne va pas dans l'enquête et je ne peux même pas l'expliquer. Il y a quelque chose qui nous dépasse. Il y a quelque chose de surnaturel. Je suis persuadé qu'en fonction des personnes, la vidéo de surveillance ne montre pas la même chose. Pourquoi ? Comment ? Aucune idée. Mais il y a quelque chose. Les personnes présentent ne voient pas la même vidéo que moi.
— Après délibération, le cours déclare monsieur Pâris Wilson ici présent coupable des meurtres présumés de madame Kamala Crow, de madame Ophélie Wilson et de monsieur Marveen Fauci. Monsieur Pâris Wilson effectuera une penne de trois ans ferme pour ses crimes dans le Complexe Pénitentiaire de Risdon à compter de ce jour.
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L'Étrange Histoire De Kamala Crow (terminé)
ParanormalBeaucoup de personnes racontent des légendes en prétendant qu'il faut le voir pour y croire, mais si dans mon cas, il faut y croire pour me voir. Le 12 juin, à Margate, Kamala fête ses dix-huit ans en ville avec son petit copain, Pâris. À 16 heures...