Chapitre 8

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M'arrachant à mes peurs, je me rends compte de l'heure, ça devrait déjà faire cinq minutes que je devrais être en bas en train de m'occuper de mon repas, j'étais tellement dans mes pensées que je n'ai pas entendu la sonnerie. Je me précipite hors de l'eau, me sèche et m'habille rapidement avant de retourner dans la cuisine en espérant que mon repas n'a pas complètement brûlé, ça me mettrait la haine. Pendant un dernier instant de doute par rapport à la présence de quelqu'un d'autre ici, je n'entends plus le fou fonctionner, mais après avoir chassé mes peurs en entrant dans la cuisine, je le vois encore marcher comme il devrait. Bientôt; je vais prendre un rendez-vous avec un ou une psy, ça ne va plus du tout, je perds la boule, je le sens.

Avant de consulter, il va d'abord falloir que j'attende demain. Ou peut-être que je ne le fasse pas du tout, je n'ose même pas imaginer ce que les juges pourraient conclure si jamais qui que ce soit supposer que j'étais fou. C'est atroce d'avoir l'impression que tout le reste de sa vie sera dicté par un seul événement, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire si je reste coupable jusqu'au bout ? Si je vais en prison en étant innocence ? Je vais faire quoi de ma vie après ça ? Je n'ai rien demandé et je n'ai jamais rien fait et pourtant, ça semble l'issue évidente actuellement...

Arrêtant de me torturer, je chasse une fois de plus mes doutes, qui risque de m'attaquer de nouveau dans quelques secondes, et je finis de m'occuper de mon repas. Heureusement, il n'est pas roussi, il a juste grillé comme il faut, une chance. Mais apparemment, je ne dois pas avoir le droit de manger puisqu'au même moment, le téléphone fixe sonne. Normalement, il ne sonne presque jamais, quand quelqu'un a besoin de me joindre, il le fait sur mon téléphone, à part en cas d'absolu nécessité. Inquiet, je pose le plat à table et je me dépêche de décrocher sans même regarder le numéro.

— Ah enfin Pâris ! J'ai eu peur qu'il te soit arrivé quelque-chose à toi aussi !

Ma mère... J'aurai dû m'en douter, après tout, mon portable est éteint et elle a dû être contactée par le poste de police.

— Bonjour mère...

— Désolée de ne pas t'avoir appelé plus tôt, j'avais un direct juste avant.

— Je suis sorti de garde à vue à quatorze heures, il est vingt heures... remarqué-je agacé, ça fait plus de six heures qu'elle aurait pu m'appeler et apparemment, c'est son premier essai.

— J'ai eu une grosse journée, tu ne peux quand même pas m'en vouloir.

— Moi, ça fait trois jours que j'ai des dures journées, affirmé-je en commençant à marcher à travers la maison, comme un ours en cage.

— D'ailleurs c'est quoi cette histoire à laquelle tu es mêlé ? C'est quand même incroyable qu'on te soupçonne, un scandale, tu ne la connaissais même pas cette fille ?! À tous les coups, c'était une de ses pétasses sans un sous qui font les trottoirs pour payer leur étude et ça a mal tourné. Mais toi, tu n'as rien à voir avec ça, je leur ai bien dit aux policiers, au mieux, c'était une fille de ta classe, mais qu'elle n'avait rien à voir avec toi. En tout cas, ne t'en fait pas, je leur ai attesté que tu étais seul au moment de mon appel, tu n'as donc rien à craindre. J'ai juste dû leur dire que tu étais inquiet à la fin de notre appel, mais que, tout au plus, tu devais avoir vu quelque chose d'étrange.

Depuis le début, je l'écoute sans trop la comprendre, dépasser par ses paroles, mais au fur et à mesure, je me décompose... Ce n'est pas possible, elle n'a pas dit tout ça à la police, je ne veux pas y croire, elle n'a pas pu dire ça... C'est impossible, une mère n'a pas pu empirer la situation de son fils, je ne veux pas y croire. Sauf que l'instant d'après, je me souviens que ça n'a jamais été une mère, qu'elle ne me connaît pas, qu'elle ne m'a jamais connu, qu'elle n'a jamais rien su de moi, comme elle n'a jamais rien su de ma sœur. Cette femme a qui je parle n'est pas ma mère, c'est une inconnue pour moi et je suis un inconnu pour elle, elle ne savait rien de Kamala, ni de son anniversaire, ni de notre rendez-vous et je ne lui ai même pas dit qu'elle me dérangeait quand elle m'a appelé la dernière fois, elle ne sait rien et elle ne peut rien savoir, comme toujours.

Mais ça, ça n'a aucune importance, parce qu'aux yeux de la police et du monde entier, une mère devrait savoir ça, sa parole est donc à prendre en compte et indirectement, avec son excès de confiance permanent et sa conviction de connaître la personne qu'elle a portée, elle m'a encore plus accusé. Comme elle a indirectement empiré ma situation d'aujourd'hui en appelant la police, quatre ans plus tôt pour signaler l'enlèvement d'Ophélie, alors que n'importe qui, connaissant un minimum ma sœur, aurait très bien compris qu'elle était simplement partie de son plein gré comme elle en avait toujours rêvé. Et maintenant, ces deux erreurs par rapport à ses propres enfant, elle m'accuse encore plus...

J'étais avec personne au moment de l'appel de ma mère... Mais qu'est-ce qu'ils vont bien tous pouvoir penser après une telle information ? J'ai dit à la police que j'étais avec Kamala et voilà que ma mère leur fournit un autre témoignage sur un plateau doré, me rendant d'autant plus coupable... Si j'avais su, si seulement j'avais su, j'aurai parlé de Kamala à mes parents... Mais je n'en avais jamais eu envie, je n'en avais jamais ressenti le besoin, ma vraie famille, Ekala, Djalu, Alinta, Calvin, eux, eux connaissaient Kamala depuis le début, à eux je leur ai présenté, mais jamais aux personnes qui sont marqués comme étant mes parents sur mon livré de famille, parce que eux n'ont jamais eu d'importance. Si seulement j'avais su.

Jamais je n'aurai cru que ma situation pouvait être pire, mais maintenant, c'est officiel, je suis foutu... Comment qui que ce soit va bien pouvoir me croire après tout ça ? Comment qui que ce soit va bien vouloir se rallier à ma version alors que rien, absolument rien prouve mon innocence ? J'ai l'impression que la partie est déjà finie.

— Pâris ? Ça va ? s'inquiète ma mère, m'entendant sûrement sangloter depuis ses paroles.

— Non mère ! Ça ne va pas ! Bien sûr que ça ne va pas ! Dois-je te rappeler que j'ai fait quarante-huit heures ! Quarante-huit putains d'heures de garde à vue ! Pour un meurtre que je n'ai pas commis ! Que je suis le principal suspect ! Pour ne pas dire le seul ! Du meurtre de ma copine ! De la fille que j'aime ! Je ne sais même pas si elle est vraiment morte ! Elle a disparu !

« Et par-dessus le marché, ma mère! Qui ne sait rien de moi ! Tu n'as jamais rien su de moi ! Prétends que j'étais seul ! Alors que tu n'en as aucune idée ! Tu n'avais même pas pris le temps de me le demander ! J'étais en train de fêter l'anniversaire de Kamala ! Avec elle ! Et tu ne me l'as même pas demandé !

« Parce que tu t'en fous de moi ! Tout comme tu t'en foutais d'Ophélie ! Tu en as jamais rien eu à foutre de tes enfants ! Tout ce qui compte, c'est ton travail ! Mais malgré tout, tu t'acharnes à nous gâcher la vie ! Parce que tu ne sais faire que ça ! Et maintenant, à cause de toi, je suis encore plus coupable d'avant ! Félicitations ! Alors non, tout ne va pas bien ! Comment ça pourrait !

J'ai la rage, vraiment, je savais que je ne devais pas parler de tout ça, que j'allais hurler. Mais je n'ai aucun regret, elle n'a eu que ce qu'elle mérite. Elle vient peut-être de tout gâcher, définitivement, je ne vois pas pourquoi je ne prendrai pas la peine de lui balancer ses quatre vérités.

— Pâris... murmure-t-elle avec une certaine dose de remords dans sa voix.

Je sens qu'elle va s'excuser, elle en a en tout cas la voix, mais je n'ai pas envie d'entendre qu'elle est désolée, j'en ai absolument rien à faire qu'elle soit désolée, toutes les excuses du monde ne répareront pas ses erreurs et ne remontrons pas non plus le temps, elles ne changeront rien à ce qu'il s'est passé, à ce qu'elle a dit, elles ne changeront rien du tout, pas même le regard que je porte à ma mère, elles ne changeront absolument rien. Et par-dessus tout, je ne veux pas les entendre, je refuse.

— Si tu veux réparer toutes tes conneries, fais en sorte de me trouver un avocat et que je ne finisse pas en prison, rien d'autre ne m'aidera, et je ne veux pas de tes excuses, j'en ai rien à faire, la coupé-je, écourtant toute conversation, je raccroche.

Elle rappellera, elle rappelle toujours, mais je ne suis pas près de décrocher de nouveau, pas avant demain en tout cas. Le téléphone sonne à nouveau, mais je reconnais le numéro et je l'ignore volontairement, laissant le téléphone à l'autre bout de la maison. En passant, j'allume la télévision, mettant de la musique à fond pour briser le silence de cette horrible baraque, si jamais les voisins se plaignent de tapage nocturne, au moins, ça changera des accusations infondées qui pèsent sur moi. Puis je m'installe à table et mange mon repas, encore chaud, directement dans le plat. J'en veux à tout le monde, mais personne ne le sait. Je me sens encore plus seul que d'habitude. Je suis épuisé, je n'en peux plus, ce n'est plus possible, plus supportable... J'ai juste envie de rayer tout ça de ma vie.

L'Étrange Histoire De Kamala Crow (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant