fragment numéro 2

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« Ses pupilles étaient des lentilles de caméra vers un autre monde. »

Jours avant l'accident : 297

L'école n'a jamais été une partie de plaisir pour moi.

Quand j'étais en primaire, j'étais "le mec bizarre". Je me faisais harceler, en gros. Frapper et insulter par mes camarades. Il y avait plein de raisons à ça, qui passent de ma couleur de peau jusqu'à d'autres choses que je ne suis pas prêt à partager.

C'est durant ces années-là que j'ai appris deux choses. La première : il vaut mieux faire profil bas. Moins tu te fais remarquer, mieux c'est. Personne ne va s'entêter à essayer de t'humilier si personne ne sais qui tu es. La deuxième ? Quand tu as des secrets, mieux vaut les garder jalousement pour toi-même. C'est ce que j'ai eu l'erreur de ne pas faire il y a quelques années, et j'ai eu tort.

N'importe qui peut imaginer que dans ces conditions, je n'ai jamais aimé aller à l'école.

Mais c'est moins pire qu'être chez moi, alors on finit par s'y plaire, je suppose. Je passe la plupart de mes pauses et mes heures de permanence au CDI, et puis c'est tout.

Cependant, il y a bien une chose que j'aime au collège. Une toute petite chose.

Je vous fais le tableau de comment tout a commencé. Moi, la salle de classe, mes écouteurs, sept heure trente du matin.

Je suis assis contre le mur adjacent à la salle de la prof d'histoire, notre prof principale cette année. Puisqu'on commence par une vie de classe, comme tous les ans, on nous a donné rendez vous ici, moi et ma classe.

J'attends, avec mes écouteurs dans les oreilles, comme je le fais toujours, à être un peu en avance par rapport à tout le monde. Une musique des Arctic Monkeys tourne en boucle, mais ça ne me dérange pas. Il faut bien s'occuper, quand on a pas d'amis dans son collège.

- T'es le premier arrivé ?

Je lève brusquement la tête de mes écouteurs. Vous savez, quand j'ai dis qu'il y avait un seul et unique point positif à aller au collège ? Voilà.

Thaïs Camara se laisse glisser à côté de moi contre le mur, et on ne se touche même pas mais je peux littéralement sentir l'espace entre nos deux bras et je me fais la réflexion que je dois reculer parce que j'ai peur qu'il ne me brûle s'il m'effleure.

Évidemment, je ne le fais pas, se serait bizarre.

- Ouais. Comme d'habitude.

- Ah ? J'ai jamais remarqué.

Logique, je pense en soupirant intérieurement.

- T'as hâte pour ta dernière année de collège ? Reprend Thaïs. C'est les derniers trois cent soixante cinq jours où tu verras cette école débile.

Je me retiens de lui dire que techniquement parlant, de ces trois cent soixante cinq jours, on ne sera en cours que cent quatre vingt d'entre eux, parce que ça montrerait que j'ai compté, et alors ça ferait vraiment trop pitié.

- J'ai envie de passer au lycée, comme tout le monde.

Thaïs hoche la tête.

- Tu écoutes quoi ?

Je lui montre mon écran et ses yeux s'illuminent.

- T'as de bons goûts. J'approuve.

Alors que je m'apprête à répondre quelque chose, je ne sais pas vraiment quoi, peut-être lui demander sa musique préférée du groupe, il relève la tête et voit ses amis arriver.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant