fragment numéro 40

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« Jamais plus on ne le reprendrai à dormir. »

Jours après l'accident : 12

Jonas, sais-tu pourquoi tu es là ?

Je garde le silence et tapote nerveusement le sol de mes pieds. La chaise est froide.

— Mon garçon, tu dois te montrer coopératif si tu veux obtenir l'aide dont tu as besoin. Ta famille est très inquiète pour toi.

— Quelle famille ? Je n'en ai plus.

— Ta grande sœur, Jonas. Elle tient à toi comme à la prunelle de ses yeux.

— C'est bien elle ma seule famille.

Je ferme les yeux quelques secondes.

— De quoi voulez-vous qu'on parle ?

— À toi de me le dire. Y a-t-il un sujet en particulier que tu voudrais que nous abordions durant cette séance ?

— La raison de ma venue.

— Il y en a plusieurs.

— Vous ne me facilitez vraiment pas la tâche, docteur.

— Tu veux que je choisisse ?

Je hoche doucement la tête.

— Très bien. Et si nous parlions de l'accident ?

Je sens mes muscles se crisper.

— Tout le monde s'entête à appeler ça un accident. Un accident, un accident. Ce n'est pas un accident, c'est...

— As-tu un meilleur mot pour décrire ce qu'il s'est passé ?

Je réfléchis quelques secondes avant de m'avouer vaincu.

— La plupart qui me viennent en tête sont trop violents.

— C'est une chose sur laquelle nous travaillerons. Comment gères-tu les récents événements ?

Je hausse les épaules. Je me sens comme une coquille vide.

— Normal, quoi. Je continue à faire mes trucs normaux d'adolescent normal. La vie tourne encore.

— Jonas, tu n'as pas besoin de mentir ici. Tout le monde voit que ça ne va pas.

— Évidemment que ça ne va pas. Comment vous réagiriez si vous veniez de perdre l'amour de votre vie ?

Me crispant encore davantage, j'attends les protestations du docteur. J'attends qu'il me dise que je suis trop jeune pour savoir. Il n'en fait rien. À la place, il demande :

— Était-ce comme ça que tu considérais ce garçon ?

— Thaïs. Il s'appelle Thaïs. Et ce n'est pas un garçon.

Le docteur hausse un sourcil.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Ce n'est pas comme ça qu'il se sent, voilà tout. À ses yeux il n'est ni homme ni femme.

— Très bien. Est-ce ainsi que tu considérais Thaïs ? Comme l'amour de ta vie ?

— Parler au passé, c'est inutile, je rétorque sèchement. Thaïs était mon premier amour et j'étais le sien. Mais bon, tout le monde le sait, ça ne finit jamais bien. Mais en général, votre premier amour n'est pas votre dernier, pas vrai ? Alors que moi, j'étais et suis toujours persuadé que je n'aimerai jamais personne d'autre que Thaïs Camara, de toute ma vie.

Le regard du psychologue s'adoucit.

— Ça a dû être si dur pour toi. Tu es un garçon incroyablement fort, Jonas.

— Je n'en ai pas l'impression.

Je dois ravaler les sanglots qui se coincent dans ma gorge.

— Pourquoi cela ?

— Si j'avais été vraiment fort, j'aurais pu empêcher l'accident d'arriver. J'aurais pu arrêter Thaïs. J'aurais pu...

— Il ne sert à rien de refaire le monde. Et tu n'aurais rien pu faire, de toute façon, même avec toute la bonne volonté du monde. Mais peut-être que si tu me racontais plus en détails, je pourrais mieux t'aider.

— Vous voulez que je vous raconte l'accident ? Ou ce qui a mené à l'accident ?

— Et si tu commençais par le début ?

— Le début ?

— Oui. Comment est-ce que tu es devenu ami avec Thaïs Camara ?

— En fait, c'était à la rentrée de troisième...

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant