fragment numéro 41

9 3 0
                                    

« Il était roi. Et il trouverait la mort cette année. »

Jours après l'accident : 19.

Je vois. Tu étais dans une situation sans issue.

— Exactement. Je savais pas trop quoi faire... et puis je me faisais peur, aussi.

— Je pense que c'est dans la nature humaine. Tout le monde a peur de soi-même, et de ce qu'on est capable de faire.

Il y a un silence pensant lequel je suis plus que gêné, mais je me retiens de faire un commentaire idiot pour tenter de détendre l'atmosphere.

— Je vois plusieurs choses sur lesquelles nous avons besoin de travailler, Jonas, m'annonce le thérapeute en tapotant ses notes du bout de son stylo. Tout d'abord, ta tendance codépendante. Ce n'est pas bon de reposer toute ta vie sur un seul et même individu. Tu dois avoir d'autres amis, d'autres occupations, d'autres projets d'avenir...

— Je sais. Je l'ai compris après l'accident, parce que j'étais une coquille vide, et je ne savais plus rien faire, je n'avais rien envie de faire, et tout ce que j'aurais pu faire me rappelait Thaïs, comme un fantôme. Mais c'est comme si... Comme si je ne me rappelais plus comment c'était, l'époque où il n'était pas là tous les jours.

Le docteur me sourit doucement.

— Ça, gamin, c'est un des nombreux symptômes du cœur brisé, mais nous travaillerons là dessus aussi. Je peux également voir que tu as de gros soucis pour demander de l'aide aux gens. C'est aussi quelque chose sur quoi nous devons travailler. Tu ne peux pas passer ta vie à souffrir en silence dans ton quoi pour ne pas être un fardeau pour les autres.

— C'est juste que... J'avais enfin appris à me reposer sur quelqu'un. Quand j'allais mal, il me suffisait de voir Thaïs, et il savait trouver les bons mots. Mais maintenant qu'il n'est plus là... C'est comme si je devais refaire tout ce travail d'adaptation à nouveau depuis le début. Je sais que ma sœur et ses amis seraient là pour moi, si j'en avais besoin, surtout son meilleur ami, il est comme un frère pour moi. Mais je peux pas... je peux pas parce que c'est trop difficile. J'ai pas assez confiance en eux. J'avais confiance en Thaïs parce que je le connaissais depuis des années, même s'il ne me connaissait pas. Et il ne m'a jamais jugé, pas une fois. Mais ma sœur et ses amis, c'est différent. Ils sont plus âgés, plus cools, et moi je... Pardon, je parle trop.

— Encore quelque chose sur lequel nous devons travailler ensemble. Tu n'as pas à t'excuser de parler de toi de temps en temps. Cest mon travail, d'écouter et conseiller les gens qui ne vont pas bien. Tu n'as pas à t'excuser de t'ouvrir à moi.

Je hoche la tête, mais je ne suis pas vraiment convaincu.

— D'accord. Autre chose ?

— Je trouve que tu es un garçon incroyablement fort.

Je sens mes yeux s'embuer.

— Ça vous aide, au moins, que je raconte de manière aussi détaillée ?

— Oui, énormément. J'arrive à plus facilement me représenter les points sur lesquels nous aurons besoin de travailler tous les deux par la suite.

— Je suis content, alors.

— Et qu'est-ce qu'il s'est passé après, Jonas ? Comment est-ce que tout a dégénéré pour devenir... La situation actuelle ?

— Ouais... En fait, je crois que c'est au moment où Thaïs et moi on a vraiment envisagé de s'en aller pour la première fois. Une fois que la graine est implantée dans ton cerveau, en général, c'est impossible de revenir en arrière. Une fois qu'on a une idée dans la tête, Thaïs et moi, on essaie de ne plus y repenser, mais elle finira par nous revenir dans la face, comme un boomerang. C'est exactement ce qu'il s'est passé, avec cette idée-là. Un jour de janvier, on s'est dit qu'on devrait s'en aller, et c'est ce qu'on a fait.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant