fragment numéro 37

6 3 0
                                    

« Son cœur était une tombe. »

Jours avant l'accident : 39

Une semaine après, Thaïs et moi sommes toujours dans la même ville, à visiter un peu partout, et on a vu que le lycée était déjà complet, et qu'il fallait une dérogation, ce qu'on avait pas, puisqu'elle doit être signée par notre collège. En bref : c'est la merde, et on a eu tort de partir.

Je suis allongé dans notre lit, avec Thaïs, et je lance :

- Qu'est-ce qu'on va faire, putain ?

Et pour la première fois, il me répond :

- Je sais pas.

Ce qui parait un échec monstrueux.

- Je veux pas retourner chez mon père, mais en même temps...

- Jonas, je peux pas te laisser retourner avec lui, d'accord ? Je peux juste pas.

- Moi non plus je veux pas, mais je sais pas quoi faire d'autre, honnêtement.

On se regarde dans les yeux quelques secondes.

- Hey, merci, dis-je, les larmes me montant aux yeux. Pour tout ce que t'as fait pour moi.

- Merci à toi.

Je crois que je n'ai rien d'autre à dire. Je ne sais pas où on va aller, ce qu'on va faire, mais au moins il sait que je lui suis reconnaissant. Et que je l'aime. Je lui ai déjà dit.

- Est-ce que tu m'as entendu, l'autre jour, quand je t'ai répondu au talkie walkie ? Finis-je par demander.

Il acquiesce.

- Je ne pensais pas que tu entendrais.

- Je ne pensais pas entendre.

- Je suis content que tu l'aies fait. Au moins tu sais, maintenant. Tout ce que j'ai dis, je le pensais.

- Moi aussi, je le pensais.

- Tant mieux.

Je m'allonge sur le dos et il m'imite, et on regarde le plafond blanc. Je ne sais pas pour Thaïs, mais moi, je m'amuse à imaginer qu'il y a des étoiles qui brillent accrochées dessus.

- Parfois, j'ai du mal à me rendre compte qu'on s'était jamais réellement parlé avant septembre. J'ai l'impression que je t'ai connu toute ma vie.

- Pareil. Genre, tu vois, je mets du temps à aimer les gens, commence Thaïs. Je sais pas pourquoi, mais ça prend beaucoup plus de temps que la personne normale. J'ai jamais eu de coup de foudre, de crush de couloir ou quoi. Enfin, y a jamais eu personne avant toi. Mais toi... J'étais clairement pas amoureux de toi dès le début. Mais si je suis venu te voir avant le début des cours, le premier jour de troisième, c'est parce qu'il y avait un truc à propos de toi qui était étrangement magnétique. Comme si je passais à côté de quelque chose en faisant comme si t'existais pas. Et dès le moment où on s'est adressé la parole, j'ai su que ma vie était complètement changée, mais je comprenais pas comment. Maintenant je sais. Et c'est toujours allé, j'ai jamais vraiment été dépendant de quelqu'un, mais je le suis de toi, et c'est terrifiant. Et en fait, au final, je pense que je m'en fous, parce que t'es la seule bonne chose qui me soit jamais arrivé, je l'ai déjà dis. Mais quand on s'est disputé, et que j'ai cru qu'on se reparlerait plus jamais, pendant des semaines, j'arrivais ni à dormir, ni à manger. C'était insupportable.

Je regarde Thaïs avec une douleur indescriptible qui étrangle ma poitrine, comme si mon cœur se faisait entailler un peu plus à chaque mot qu'il prononce.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant