La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE

fragment numéro 4

« Adam senti l'odeur de Cabeswater, de tous les arbres après la pluie, et il se rendit compte que pendant qu'il regardait Ronan, Ronan le regardait aussi. »

Jours avant l'accident : 297.

Thaïs Camara est appuyé contre la chambranle de la porte, dans son entrebaîllement.

Le rouge à lèvres que je tenais jusque-là m'échappe des mains et je dois me pencher par terre pour le ramasser. Thaïs en profite pour s'approcher et enlever ma capuche de ma tête.

— J'en étais sûr ! S'écrie-t-il en levant le poing de la victoire avec un grand sourire. Évidemment que tu n'étais pas juste un bon élève timide qui se cachait au fond de la classe. Il y avait forcément matière à creuser.

Je ramasse le tube de rouge à lèvre et me redresse en croisant les bras.

— Et qu'est-ce que tu vas faire à propos de ça ? Me dénoncer ? Me renvoyer ? C'est ça que tu veux ? Tu sais que ça ne sera pas si facile, hein ? J'ai des plans de secours, au cas où ! Qui ils croiraient entre toi et moi, à ton avis ?

Je fais comme si j'étais assuré alors qu'en réalité, s'il me dénonce, je suis foutu.

Bon, j'avoue que ça fait un peu partie du plaisir du tag, le risque de se faire démasquer. Mais c'est le risque de se faire démasquer qui est appréciable. Pas se faire démasquer. Clairement pas.

Thaïs lève un sourcil et me regarde comme s'il était réellement confus.

— Pourquoi je te dénoncerais ? Demande-t-il, et son ton est tellement vrai que je n'arrive pas à croire qu'il mentirais.

— Pourquoi tu ne le ferais pas ?

Il pouffe un petit peu et part fermer la porte avant de s'y adosser.

— Parce que j'ai pas envie que t'arrêtes !

Quel dentifrice il utilise ? Ses dents brillent au milieu de l'humidité des chiottes.

Il s'approche du robinet, près du miroir où j'ai fait mon tag, et s'assied sur le lavabo.

— Regarde ça, c'est ultra stylé. Ça donne de la personnalité à l'école. Et c'est le seul truc intéressant qui soit arrivé depuis perpète ! Pourquoi est-ce que je voudrais stopper ça ? Je voulais juste découvrir qui était derrière tout ça.

Je hausse les épaules, un peu perdu.

— Bon bah, je vais y aller alors.

J'avance de quelques pas vers la porte, mais je m'aperçois qu'il ne me suit pas. Je souffle de manière exagérée et me retourne vers Thaïs.

— T'attends quoi pour venir ? Le déluge ?

C'est à son tour d'être surpris.

— Pourquoi je te suivrais ?

— Parce que je viens de taguer les toilettes des garçons. Je n'ai pas encore fait ceux des filles.

— Mais...

— T'as pas envie d'essayer ? Ne me mens pas. Thaïs, je peux voir juste à la manière dont tes yeux brillent et dont tes pieds tapotent nerveusement le sol que t'as grave envie d'essayer mais que t'oses pas me le dire. De quoi t'as peur ?

Il me dévisage pendant quelques secondes, comme s'il me voyait vraiment pour la première fois, et j'essaie d'empêcher mon estomac de se renverser (sans succès).

Après ces quelques secondes qui me paraissent une éternité, il sourit doucement et se rapproche.

— J'ai l'air du genre à avoir peur ?