fragment numéro 17

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« Ronan avait un don pour les choses dangereuses, que ce soit en rêve ou dans la réalité. »

Jours avant l'accident : 239

L'orage fait toujours rage quand je reviens à nouveau dans le monde des rêves. Je ne me souviens pas très bien quand j'y suis entré, mais je ne suis définitivement plus avec Thaïs, en tout cas pas avec le vrai. Je suis exactement où j'avais été laissé la dernière fois, en plein milieu de ma recherche de Thaïs, dans les bois.

J'entends le craquement des feuilles derrière moi et sursaute en me retournant.

— Eh, calme toi, c'est que moi.

J'expire en voyant que ce n'est que Philomène, derrière moi. Sa robe est mouillée à cause de l'orage et elle respire très vite, sans doute parce qu'elle a couru.

— Oh, c'est toi, Philo. Désolé, je t'avais pas vue.

— Jonas, il faut que tu te calmes. Je sais que ça te fait paniquer, que Thaïs ait disparu, mais...

— Sans blague que je panique ! Mon mari a littéralement disparu. Comment est-ce que je peux m'occuper de ce royaume sans lui ? Comment est-ce que je peux régner sur ce royaume sans lui ? Comment est-ce que je pourrais faire quoi que ce soit sans lui ?

Mes épaules s'affaissent.

— Moi aussi je suis inquiète, mon roi, mais on va le retrouver. Je te le promets. Je le chercherai partout s'il le faut, même quand tu n'es pas là, mais je le retrouverai.

— Je ne sais pas, Philomène, j'ai un mauvais pressentiment.

Elle s'assied au milieu de la forêt trempée d'eau de pluie et je m'installe à côté d'elle, ignorant le fait que mon pourpoint se fait complètement détremper. Je n'en ai plus rien à faire, à ce stade.

— Moi aussi, j'ai un mauvais pressentiment, chuchote-t-elle. Ce qui arrive... ce n'est pas normal. Que ça soit la manière dont les lumières du palais n'arrêtent pas de clignoter en ce moment, le fait qu'il n'y a plus de soleil et qu'il pleut tout le temps, ou juste la disparition de Thaïs... J'essaie d'être forte, mais je ne sais pas trop comment faire pour tenir. Tout est tellement étrange, c'est comme si notre monde avait été retourné sur lui-même.

— Tu crois que c'est de ma faute ? Je laisse échapper doucement. Tu crois que c'est parce que j'ai commencé à l'approcher dans le monde réel qu'il disparaît doucement ici ?

— Je ne pense pas. Enfin, ça serait quand même sacrément bizarre, étant donné que tu côtoies ton père tous les jours, et pourtant il est toujours ici. Enfin, quand je dis côtoyer, on s'entend que quand tu es ici tu ne vas pas le voir, donc on en oublie un peu son existence, mais dans les faits, il est ici, et dans le monde réel à la fois.

Je prends ma tête entre mes mains.

— De tous les gens, pourquoi Thaïs ? (Je me reprends.) Enfin, je suppose que je ne devrais pas trop m'inquiéter. Thaïs est toujours là dans la vraie vie, alors...

Thaïs est-il vraiment toujours là ?

— Philo, je veux me réveiller.

Elle écarquille les yeux.

— Qu'est-ce que tu viens de dire ?

— Je veux me réveiller. Comment dois-je faire ?

— Mais Jonas, tu ne veux jamais te réveiller ! Tu veux toujours rester ici ! Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Dis le moi !

Ses yeux se remplissent de larmes.

— T'as rien...

— Dis-moi juste ce que j'ai mal fait ! Tu peux pas vouloir t'en aller d'ici, t'es censé vouloir rester ici pour toujours. Tu peux pas me laisser. Regarde moi ! Regarde mon état ! Je peux pas rester ici toute seule !

— Je peux appeler Oliver...

— Mais c'est pas lui que je veux avec moi, c'est toi ! J'ai peur sans toi, j'ai peur quand t'es pas là, alors n'écourte pas les seuls moments qu'on a ensemble.

— Philomène, j'ai peur pour Thaïs, imagine si je me réveille et qu'il n'est pas là...

— Mais c'est pas le cas ! Je suis sûre qu'il est là ! Ne pars p...

Je me réveille en sursaut, le front dégoulinant de sueur. Je me frotte les yeux avec mes poings pour me réveiller complètement et jette un coup d'œil à ma droite. Thaïs est toujours à côté de moi, paisible. Il respire toujours, son pouls est régulier, je sens sa respiration sur mes bras.

Je me redresse et passe un bras dans ses cheveux en souriant doucement. Il ouvre les yeux.

— Jonas ? Ça va ?

Je hoche la tête.

— Ça va. T'inquiètes pas, rendors-toi juste.

— Ok. Mais tu restes là, hein ?

— Je m'en vais pas. Jamais. Toi aussi, tu restes ici, pas vrai ?

Il m'attrape la main.

— Évidemment. Je bouge pas.

C'était un mensonge, mais je ne l'ai su que bien, bien plus tard.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant