fragment numéro 38

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« Gansey trouvait plus facile de comprendre un Ronan dont les rêves faisaient irruption dans la réalité qu'un Ronan qui cherchait à mourir. »

Jours avant l'accident : 0

Le matin où on m'a retrouvé allongé sur l'herbe, dans la forêt où se trouve la cabane, j'étais en sévère malnutrition et déshydratation après ne pas avoir mangé pendant plus d'une journée sans m'en rendre compte. J'ai ouvert les yeux et j'ai vu la police, ma mère, et ma sœur, qui m'a prise dans ses bras dès qu'elle a vu que j'étais réveillé. Je me suis rendu compte que j'avais raté son concert, à elle et à son groupe, et ça m'a rendu très triste, parce que je voulais vraiment voir ça.

On m'a emmené à l'hôpital le temps de me laisser me reposer un peu, puis la police m'a interrogé.

Je me souviens que j'étais avec une femme d'une quarantaine d'années, qui me regardait en me souriant, et ça m'a rassuré, parce que je ne trouve pas les policiers très accueillants,habituellement.

— Qu'est-ce que je fais là ? Ai-je demandé, même si je savais parfaitement ce que je faisais là.

— T'inquiètes pas mon garçon, tu ne risques rien. On se disait juste, mes collègues et moi, que c'était un peu étrange que deux collégiens de quatorze et quinze ans respectivement disparaissent soudainement pendant une semaine, puis réapparaissent tout aussi soudainement. La tante de ton ami est elle aussi sous examen.

C'est là que je me suis rendu compte que j'avais le choix entre rester coincé dans la spirale infernale dans laquelle j'ai toujours vécu, ou m'en sortir. Mentir encore, comme je l'ai toujours fait, ou dire la vérité.

Je voulais que l'enfer s'arrête.

— Je peux vous dire un truc ?

— Je suis tout ouïe, a dit la femme en me souriant.

J'ai remonté le bas de mon jogging et les manches de mon t-shirt, pour désigner tous les bleus non traités et les dizaines de pansements qui parsèment mes membres comme des constellations.

— Tout ça, c'est mon père qui me les a fait. Ce que j'ai au visage aussi. (Je me suis penché pour montrer ma blessure à la tête, celle qui ne cesse de se rouvrir.) Et ce truc là, aussi.

La policière était stupéfaite. Elle ne s'attendait sans doute pas à ça, vraiment pas.

— Mais... Nous pensions que tu t'étais fait tout ça en courant dans la forêt... C'est ce que tes parents ont dit...

Je n'ai pas pu m'empêcher d'esquisser un rictus sarcastique.

— Vous pensez vraiment qu'ils admettront que mon père est derrière tout ça ? C'est pour ça que je me suis enfuis. Moi, j'en pouvais plus de mon père, et Thaïs c'est lui qui m'a convaincu de venir, qui m'a suivi, parce qu'il voulait pas que j'meurs chez lui. Et je veux pas retourner chez lui, parce que j'ai trop peur.

Je n'ai pas pleuré, mais j'espérais que la policière voit dans mes blessures, le tremblement de mes bras et l'éclat de peur dans mon regard que j'étais tout ce qu'il y a de plus terrifié, et que je ne pouvait pas retourner auprès de lui.

La femme a fait quelques pas vers moi et a posé une main sur mon épaule.

— Jonas, justice sera faite, en tout cas je l'espère. Pour l'instant, nous allons mettre ton père en garde à vue, pour une période de temps indéterminée, et je me débrouillerai pour qu'il ait une restriction qui l'empêche de te voir. Tu resteras avec ta mère et tes sœurs pendant ce temps-là. Ça te va ?

J'ai acquiescé, un sourire grimpant doucement sur mon visage.

— Carrément ! Merci beaucoup.

Je me suis rendu compte que c'était aussi simple que ça. Si seulement j'avais décidé de demander de l'aide plus tôt, peut-être que tout ça serait arrivé bien avant. Que mon père aurait eu un ordre de restriction, et qu'il n'aurait plus jamais pu me faire de mal. Au lieu de ça, je l'ai laissé me martyriser pendant des années, et je m'en suis voulu un peu. Je savais que rien n'était de ma faute, mais c'était difficile de ne pas le croire.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant