fragment numéro 3

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INTERLUDE I

« Il était comme Cabeswater : un faiseur de rêves. S'il ne connaissait pas la différence entre être éveillé et endormi, c'était parce que la différence n'avait pas d'importance pour lui. »

Jours avant l'accident : 297.

Les gens qui pensent qu'il n'existe qu'un seul monde sont fermés d'esprit. En réalité, il y en a bien plus qu'un seul, la plupart des gens n'en ont juste pas conscience.

Quelque part, il existe un monde où je suis un prince, marié à un autre prince. Dans ce monde, le soleil est violet et descends dans le ciel à vingt deux heures, même l'hiver. Dans ce monde, les couchers de soleil durent trois heures et les levers durent trente minutes.

Chaque fois que j'y entre, c'est comme si je revenais chez moi. Cette fois là, quand je le fais, j'arrive directement sur la berge du lac, pas loin de Philomène. Je n'arrive pas toujours aux mêmes endroits, quand je m'y rends.

Philomène est assise sur le bord de l'eau, pieds nus, ses longs jupons relevés sur ses genoux, alors je viens m'asseoir à côté d'elle. Philomène fait partie de ce genre de personnes qui n'en a pas grand chose à faire, d'à quoi elle ressemble, car elle sait que ceux qui l'aiment vraiment n'ont pas besoin de ça pour l'apprécier.

Ce soir-là, elle a les yeux dans le vague. Au lieu de tenter de lui parler, je regarde l'horizon. Si je plisse assez les yeux, et que je nettoie mes lunettes assez bien, je peux voir mon palais au loin, minuscule point au milieu de l'océan multicolore de mon imagination. Le coucher de soleil a commencé, et les teintes oranges s'associent à celles, violettes, du soleil de ce monde.

— Alors, comment s'est passé ton rencard avec Olivier ? Je demande à Philomène, soucieux d'entretenir la conversation.

— Mieux que ce à quoi je m'attendais. Il est de très bonne conversation.

— Alors si ce n'est pas ça, pourquoi est-ce que tu fais cette tête ?

— Quelle tête ? Demande Philo en se retournant vivement vers moi.

— Comme si l'apocalypse était bientôt.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

Je me redresse sur le sol en haussant un sourcil.

— Comment ça ?

— Peut-être que l'Apocalypse est bientôt, pour ce qu'on en sait. J'ai un mauvais pressentiment.

Je ne réponds pas immédiatement. Je peux le sentir aussi. Il y a quelque chose qui flotte dans l'air. Quelque chose de mauvais.

— Tu as raison. Je le sens aussi. Quelque chose de mauvais s'apprête à arriver.

Philomène se retourne vers moi en hochant dynamiquement la tête. Elle finit par dire :

— Tu devrais aller voir si ton mari va bien. Je n'aimerais pas qu'il lui arrive quelque chose.

— Tu me ramènes sur ton cheval ?

— Avec plaisir.

L'atmosphère est humide, comme avant et après la pluie. Ça doit être ça, les mauvais présages.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant