fragment numéro 42

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ÉPILOGUE

Jours après l'accident : 47

- Et que s'est-il passé, après ça ?

- Après ça ? Je demande, ayant du mal à me rappeler l'après-Thaïs pendant quelques instants. J'ai appelé les secours, et ils sont arrivés franchement vite. Thaïs se déversait de son sang sur la chaussée, mais ils sont arrivés assez vite pour le prendre en charge, et j'ai forcé pour monter dans l'ambulance. Ils étaient réticents au début, mais ils ont fini par accepter suite à mon insistance. Arrivé à l'hôpital, je les ai regardé emmener Thaïs, et ils m'ont demandé si je connais le numéro de ses parents. J'ai dis qu'il n'en avait pas. On m'a demandé le numéro d'un de ses proches, j'ai donné celui de sa tante, ils ont appelé, personne n'a décroché. J'ai demandé si je pouvais venir le voir, on m'a demandé si j'étais de la famille, et j'ai menti en disant oui. Ils sont partis du principe que je mentais parce que lui et moi on a pas la même couleur de peau, et ils m'ont claqué la porte au nez. Compréhensible vu que je mentais bel et bien, mais bon.

Je promène mes yeux sur le sol et les murs blancs de la salle.

- J'ai passé des jours à m'inquiéter pour lui, jusqu'à ce qu'on me dise qu'il était sorti de l'hôpital, mais quand j'ai voulu aller le voir, il n'y avait personne chez lui. Il était parti en famille d'accueil à cause de la négligence de sa tante. Je n'ai plus jamais essayé de le recontacter.

C'est faux. Je me souviens parfaitement du message que j'ai tenté de faire passer à travers le talkie walkie le jour où j'ai découvert qu'il était parti.

À mon tour de te parler dans ce talkie walkie sans savoir si tu m'entendras. Go.
Je viens d'apprendre que tu étais parti. Tu sais, c'est pas cool de l'avoir fait sans me dire au-revoir, même si tu n'avais probablement pas le choix. J'espère que tu vas mieux, où que tu es. Tu étais dans un état plutôt misérable, la dernière fois où on s'est vus.
Peut-être, sans doute même, que tu es déjà trop loin pour entendre ça, mais je suis déçu de ne pas avoir pu te voir une dernière fois, au moins m'assurer que tu allais bien après.
Je crois que ça fait plusieurs semaines qu'on s'est déjà dis tout ce qu'on avait à se dire, alors je ne vais pas dire grand chose de révolutionnaire. Tout ce que je peux dire, c'est que je ne sais plus vivre sans toi, alors il faut que je réapprenne à le faire, mais j'espère que tu penseras toujours à moi de là où t'es. Et que quand on se reverra tôt ou tard, t'auras plein de nouvelles chanson à me jouer. Parce qu'on va pas passer l'éternité séparés, si ?

- Vous savez, j'ai toujours détesté que tout le monde appelle ça un accident. En quoi une tentative de suicide est-elle un accident ? C'est juste que le monde l'a déglingué, et il a réagit en conséquence. C'est frustrant, vous savez, parce que j'ai aucun moyen de savoir s'il va vraiment bien, s'il y a vraiment quelque chose qui a changé.

- Et qu'est-ce que tu as fait, dernièrement ? Demande posément mon thérapeute, celui que je vois spécifiquement en rapport avec ce qu'ils appellent l'accident.

- Pas grand chose de particulier. J'ai bien été obligé de passer mon brevet. Mon année a été tellement chaotique que j'ai à peine révisé et j'avais peur de tout foirer. Au final, ça l'a fait. J'ai eu mention bien. Ça s'est surtout joué au contrôle continu, je pense, vu que j'ai toujours eu des notes excellentes avant qu'elles dégringolent cette année.

Ce que je ne précise pas, c'est que le lendemain de l'accident, je suis allé à Paris, et j'ai tagué un mur. Take me back to the night we met, j'ai écris. Une des musiques que j'écoute en boucle depuis l'accident, parce qu'elle me met mal et bien en même temps. Assez représentatif de Thaïs et moi, au final.

Mon thérapeute me sourit.

- Jonas, merci de m'avoir raconté tout ça. C'est super, parce que maintenant on va pouvoir se pencher point par point sur tout ce qu'il te faut travailler. Le premier point qui me saute aux yeux, c'est ta dépendance affective...

***

Quand je rentre chez moi après ma séance chez le psy, ma sœur est avec Mya, qui tient son téléphone dans sa main, le regardant bizarrement, et je sens tout de suite que quelque chose ne va pas.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Je demande immédiatement à ma sœur.

Elle me fait m'asseoir à côté d'elle.

- Mya vient de recevoir un appel de Naya. Vu le succès des deux précédents placement qui ont eu lieu chez Jade, Mya et Naya elles mêmes - les policiers ont décidé que c'était sécurisé de lui confier un troisième enfant.

- Et alors ? Dis-je, ne comprenant pas où elle veut en venir. Pourquoi on dirait que vous avez mangé un rat mort ? Vous êtes super pâles.

- Jonas, tu comprends pas, dit Sarah en secouant la tête. Le troisième enfant, c'est Thaïs. Il a emménagé chez eux ce matin.

Je sens quelque chose se paralyser dans mon estomac.
Thaïs est de retour.
Thaïs est de retour et je dois absolument le voir.

J'enfile mon manteau et me dirige précipitamment vers la porte, tandis que ma sœur marmonne « je savais qu'il ferait ça » mais je ne l'écoute pas parce que je ne pense plus qu'à une chose : revoir Thaïs.

Sauf que quand j'ouvre la porte, il est devant moi.

Lui aussi est essoufflé, et a visiblement couru pour venir ici. Il a les cheveux plus longs que la dernière fois que je l'ai vu, mais à part ça, il est toujours exactement pareil : cheveux rouges, maquillage pailleté, sweat noir avec des têtes de mort et jogging noir, jusqu'à son sourire, c'est lui.

Quelque chose se tord dans mes entrailles et je n'arrive soudainement plus à ouvrir la bouche. Puisque je n'arrive pas à parler, il finit par le faire à ma place.

- Salut.

J'ouvre et referme la bouche, avant de répondre :

- Salut.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant