fragment numéro 34

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« Jamais encore il ne s'était saoulé. Son père s'en était chargé pour lui. »

Jours avant l'accident : 47

Pendant un mois, je ne reparle pas à Thaïs, et je dois avouer qu'il me manque comme personne ne m'a jamais manqué. Il est revenu au collège, mais on ne se parle pas, on ne se regarde pas, et personne n'ose vraiment nous demander ce qu'il s'est passé, même si absolument tout le monde a remarqué, je le sais.

Alors que mes notes devraient remonter en vu du brevet, je sais que mes résultats se dégradent, et que mes parents sont en colère, mais ce n'est pas comme si j'en avais grand chose à faire. En fait, en ce moment, je vais trop mal pour en avoir quoi que ce soit à faire.

En rentrant du collège, la première chose que je fais, c'est me laisser tomber sur mon lit, complètement à sec, et dormir. Mais je me fais réveiller par les hurlements de mon père, qui vient d'entrer dans ma chambre en claquant la porte.

- Réveille-toi, tout de suite, dit-il d'une voix si sèche que mon sang se glace dans mes veines immédiatement.

Il regarde avec dédain le sol où sont entassés des dizaines de feuilles. Il empeste l'alcool, et ça me donne envie de vomir.

Je crois que c'est à cet instant-là que je me promets intérieurement de ne jamais toucher une seule bouteille d'alcool de toute ma vie. Plutôt mourir que devenir comme cet homme.

Je me recroqueville sur moi-même.

- J'ai vu que tes notes descendaient en ce moment. Explique moi pourquoi tu as eu huit à ton dernier contrôle de maths ?

Je me mets à trembler.

- Je suis désolé, je ferai mieux la prochaine fois...

Mon père m'attrape par les épaules et me force à le regarder.

- Non.

- Quoi ?

- Non. Y aura pas de prochaine fois. J'ai été super gentil avec toi en ce moment, compréhensif, fier de toi que tu te sois enfin trouvé une petite amie digne de ce nom, mais tu ne fais que me décevoir, encore et encore. Tu es incapable de faire quoique ce soit correctement.

Une gifle part, puis une deuxième.

- Ta prochaine évaluation, tu auras vingt, tu m'entends ?

Je hoche la tête.

- Oui, je te promets. (Les larmes me montent aux yeux.) Maintenant, je t'en supplie, arrête.

- Arrêter quoi ? T'es un homme où t'es pas un homme ?

Il agrippe mon cou et me propulse contre le mur avant de donner un coup de pied dans mon ventre. Je me retrouve à taper dans l'étagère à ma droite et ma tête se met à tourner.

- Je t'en supplie, Papa, arrête.

- Tu n'es plus mon fils. Chaque jour de ta vie, tu passes ton temps à déshonorer cette famille. Je t'ai entendu parler à ta sœur, l'autre jour. Tu veux être quoi, maintenant ? Dessinateur ? Tu te fous de ma gueule ?

Il me met un nouveau coup de pied dans le ventre et je crache par terre, je me mets à pleurer plus fort, et ça n'arrange rien du tout parce que mon père déteste les faibles, ils détestent les gens qui pleurent, surtout les garçons, c'est pour ça qu'il a toujours préféré ma sœur, qui est une dure à cuire et ne pleure jamais.

J'essaie de me relever mais il me balance de nouveau contre le mur et je sens ma blessure se rouvrir une énième fois, le sang me dégouline sur le front et je commence à saigner du nez aussi. Je crois que mon père se rend compte que je suis en piteux état parce qu'il se contente de me cracher dessus et s'en aller.

La cabane en haut de l'arbre | TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant