Chapitre IV

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POINT DE VUE DE RENZO :

Nous étions dans le jet direction Naples, chez moi. Être le parrain de la mafia italienne n'était pas de tout repos. Même si cela avait énormément d'avantages, cela avait tout de même des défauts.

Où est-ce qu'elle est ? me demanda Mario en s'asseyant face à moi.

Mario m'avait expliqué qu'il avait fait décoller une dizaine de jet avec mes hommes dedans ainsi que le parrain de la Bratva avant de revenir me chercher.

Dans la chambre.

Je l'avais déposé dans la chambre que j'utilisais habituellement. Elle était frêle, à bout de forces. Ses longs cheveux bruns étaient emmêlés, son teint très pâle, ses cernes étaient creusées et elle avait du mal à marcher.

Elle devait s'être fait violer et connaissant Agapov, pas qu'une seule fois. Elle était vraiment maigre, comme si Agapov l'empêchait de manger. La chose qui m'avait vraiment mis en colère, c'était la déshumanisation qu'elle avait subi. Il l'appelait « prisonnière ». Il lui avait fait croire qu'elle n'était que ça. Qu'une prisonnière. J'étais tout de même curieux sur ce qu'il lui avait fait subir durant toutes ces années de captivité en Russie. Elle vivait sur un matelas, il me semble, à même le sol.

Elle t'a parlé ?

Non, mais je sais pourquoi. Anatoli me l'a dit. Elle ne parle que si elle en a l'autorisation, expliquais-je en finissant mon verre de vin blanc.

Il l'avait détruite mentalement et même physiquement.

Il l'appelle « prisonnière », il n'a jamais utilisé son prénom, l'informais-je.

Quelques instants s'écoulèrent avant que je ne me souvienne.

Elle est la fille d'Enrique et Irina Suarez, ajoutais-je.

Mario écarquilla les yeux à la suite de mon aveu.

La fille ? répéta-t-il en insistant sur le « la ».

Je me contentais de hocher la tête comme réponse.

De ce que je savais, cette fille était recherchée depuis un bon moment. Personne ne savait par qui et pourquoi est-ce qu'elle s'était faite enlevée. Nous savions juste qu'elle s'était faite kidnapper. Les Suarez étaient ceux qui dirigeaient El Cartel de la Sinaloa.

Le souci était que ma mafia, La Cosa Nostra, n'était pas du tout alliée avec ce cartel. Bien au contraire, Enrique Suarez était un de mes principaux ennemis dans le monde de la mafia.

Et si Enrique apprenait que tu as sa fille ? hésita Mario.

Il devrait plutôt se mettre à genoux devant moi et me remercier d'avoir sauver sa fille du merdier dans lequel elle était en Russie, répliquais-je en me servant un autre verre de vin blanc.

Cela m'avait toujours intrigué d'ailleurs. Pourquoi Enrique n'avait pas remué toute la terre pour retrouver sa fille ?

Ce que je savais, c'était qu'Irina avait été enceinte il y a quelques années après la disparition de leur première fille, Yelena. Elle avait accouché il y a quelques années, sa deuxième fille devait avoir entre 5 et 8 ans. Je ne pouvais pas être plus précis parce que je ne m'intéressais pas particulièrement à la famille d'Enrique. Ce qui m'intéressait, c'était sa marchandise.

Si il te propose de l'argent contre sa gamine, qu'est-ce que tu vas faire ? me demanda Mario.

Je n'en avais aucune idée.

L'argent j'en ai. La marchandise d'Enrique est de bonne qualité. Je pourrais négocier quelques caisses contre sa fille. Mais échanger un humain contre des armes, n'est-ce pas une manière de déshumaniser l'humain ? Un humain est censé valoir plus qu'une caisse de drogue ou d'arme.

Yelena Suarez avait environ vingt ans, elle était très très jeune. Elle n'avait peut-être même jamais vraiment vécu.

Je me levais et me dirigeais vers la petite cuisine afin de récupérer deux sandwichs et une petite bouteille d'eau. Après avoir attrapé une serviette et un muffin à la fleur d'oranger, je me rendais jusqu'à la chambre que j'avais laissée à Yelena.

Je toquais deux fois à la porte pour lui signaler ma présence. Même si je savais qu'elle n'allait pas me répondre, je ne voulais pas la brusquer, je n'avais aucun gain à ça. J'ouvris lentement la porte et la refermais derrière moi.

Je remarquais qu'elle était allongée au milieu du lit, le plaid que j'avais récupéré chez Agapov sur le sol. Elle était enroulée dans le plaid noir qui était normalement sur le bout du lit.

Sa respiration était régulière et je l'observais furtivement. Elle avait le visage creusé.

Il a dû lui faire vivre un enfer.

Son petit poing était refermé sur le coin du plaid qui l'enveloppait, comme si elle cherchait un point d'ancrage, un moyen de se raccrocher à la réalité. Comme si elle avait peur de partir dans son rêve.

Elle n'avait même pas de lit dans ce qui lui servait de chambre. Elle avait un matelas gonflable posé à même le sol. Je ne suis même pas sûr d'avoir vu une couverture.

Je décidais de récupérer tout ce que j'avais posé sur la table de chevet et de la laisser se reposer. Elle avait grandement besoin de repos.

Elle avait été réactive lorsque je lui avais demandé s' il y avait un moyen plus rapide que la porte d'entrée pour quitter la maison du parrain.

Cela m'avait d'abord surpris mais j'ai rapidement compris que son instinct de survie avait pris le dessus sur sa peur, ce qui nous avait probablement sauvé la vie, à tous les deux.

Est-ce qu'elle savait que ses parents avaient eu un autre enfant ? Est-ce qu'elle savait qu'ils ne l'avaient jamais vraiment cherché ? Est-ce que Agapov se faisait un plaisir de le lui dire ? Ou, au contraire, l'a-t-il éloignée de tout au point de lui faire oublier sa famille ? Comment Agapov l'avait-il traité durant ces années ? Qu'est-ce qu'il lui avait fait ?

Sa joue violacée témoignait du fait qu'elle avait été battue. Avait-elle d'autres marques sur le corps comme celle-ci ? Connaissant un minimum les méthodes d'Anatoli Agapov, je pouvais attester sans aucune preuve qu'il ne s'était pas passé une seule journée durant ces dix ans, sans que Yelena ne se soit faite battre par le parrain de la Bratva.

Agapov aimait être supérieur aux autres, mais étant donné qu'il n'arrivait pas à être supérieur aux autres parrains ou mafieux, alors il faisait en sorte d'être supérieur aux femmes.

J'avais énormément de questions mais je savais qu'elle ne m'apporterait aucune réponse.

J'avais déjà été surpris qu'elle accepte que je la prenne dans mes bras pour la faire quitter ce qui avait, malheureusement, été son foyer durant dix longues années. Je pensais sincèrement que je n'arriverais pas à la convaincre de me suivre et je pensais encore moins qu'elle allait réellement prendre l'arme quand je le lui ai demandé.

PRISONNIÈREWhere stories live. Discover now