Belleza ~ Tome 1

Chapitre 1

«Maman m'avait d'abord interdit de sortir ce soir, elle me disait souvent : Clara, ma chérie, à seize ans, tu es bien trop jeune pour traîner les rues le soir. J'avais insisté. Elle avait réfléchi pendant une heure, ou peut être deux. J'étais dans le jardin quand elle était revenue me voir. Elle m'avait regardé longuement dans les yeux et m'avait souri. Elle avait accepté ma requête à condition d'envoyer un message toutes les heures et de respecter le couvre feu de vingt trois heures.

J'avais donc pris mon vélo après le repas avant qu'elle ne change d'avis et rejoignais mes amis à la fête foraine, qui se trouvait à deux km de notre domicile à San Francisco.
Deux heures plus tard, je culpabilisais déjà. Alana Gomez, femme magnifique, mère plus qu'aimante et personne qui rendait la vie tellement plus belle donnerait tout pour faire plaisir à sa famille et je regrettais de ne pas être restée avec elle. Je tentais de l'appeler pour lui dire que je rentrais, en vain. Je remarquais n'avoir pas eu de réponse de sa part depuis mon dernier sms, une heure avant. Je décidais donc de retourner à la maison immédiatement. Et je m'attendais à ce que maman se soit endormie avec toutes ses heures de travail ou que son portable soit en train de charger.

Cependant, j'étais arrivée au coin de la rue quand je remarquais des pompiers qui tentaient de maîtriser les flammes qui avaient envahi notre cocon familial.
Ma respiration s'arrêtait. Je sentais mes jambes qui refusaient désormais de pédaler. Je m'avançais à pied, laissant tomber mon vélo au milieu de la route, sans comprendre ce qu'il se passait.

Des sirènes éclairaient l'ensemble de la rue. Et je cherchais maman. Mais je croisais seulement des têtes inconnues qui me dévisageaient. La foule s'agrandissait devant notre maison en feu. Je vacillais de parts et d'autres essayant de me faire une place dans ce bain de personnes. Mes mains devenaient moites, je sentais mon pouls s'accélérer et tous les bruits autour de moi ne devenaient que des sons sourds. Le regard choqué des passants me faisait encore plus paniquer.
Et soudain, je voyais la seule personne que j'attendais. Mon cœur sautait un battement et j'étais à moitié soulagée Je courais vers elle à toute vitesse.

- Je suis désolé ma puce, je ne suis pas arrivé à temps.

Les larmes que je retenais jusqu'à maintenant se déversaient quand mon frère me prenait dans les bras et continuait de s'excuser. La paix que j'avais trouvée dans son étreinte était de courte durée. Ses paroles. Je comprenais à travers ses mots que cet incendie n'avait rien épargné. Que mon frère n'avait rien pu faire non plus car il n'était pas plus présent que moi.
Personne n'était là pour maman. Personne n'avait sauvé maman.
Et ce jour marquait la fin de son existence dans ce monde. »

Je me réveille en sursaut et en sueurs.
Je n'ai pas fait ce cauchemar depuis un moment maintenant. Neuf ans se sont écoulés depuis ce drame qui avait changé toute ma vie, toutes nos vies. Le lendemain de celui-ci, Raphael, mon frère aîné, a estimé ne pas pouvoir s'occuper de moi et m'a envoyé dans un internat en Angleterre dans lequel je suis restée jusqu'à mes dix huit ans avant de revenir en Californie. A l'époque, j'ai coupé le contact avec toutes mes relations amicales de mon passé ne pouvant pas accepter d'avoir passé cette soirée avec eux plutôt qu'avec elle.

Je regarde mon réveil: 3h47. Je fixe le plafond pour apaiser mon esprit encore chamboulé par ce rêve. Les lèvres asséchées, je me lève ensuite pour me rendre dans la cuisine en essayant de ne pas faire de bruits pour ne pas réveiller ma colocataire et meilleure amie, Riley Duncan. Arrivée au niveau du salon, un halo lumineux éclaire la pièce et je remarque une tête qui dépasse du canapé devant la Tv. Riley détourne son visage vers moi.

- Le retour de ton cauchemar ? Me demande t-elle avec un sourire navré.

Elle sait que la perte de ma mère a été une épreuve très lourde dont j'ai eu du mal à me remettre. Et les cauchemars ressassant la nuit de sa mort sont un retour en arrière et font ressurgir toutes les étapes de mon deuil.

- Oui la date de son décès approche, c'est la même chose tous les ans puis avec le stress de la remise de diplômes, ça n'arrange rien, je lui réponds, tu veux boire quelque chose, je me suis levée pour ça.

Elle hoche la tête en signe de refus et je me rends donc dans la cuisine, non sans galères. En effet, Riley et moi nous apprêtons à quitter notre appartement situé à Davis en Californie. Après quatre années passées ensemble au collège de médecine vétérinaire, j'envisage de retourner vivre à San Francisco, la ville de mon enfance.
Riley, ayant des parents qui voyagent beaucoup pour leur travail et qui par conséquent sont peu présents dans sa vie quotidienne, n'a pas réfléchi une seule seconde avant de se décider à me suivre pour une nouvelle expérience.
A dix huit ans, nous nous sommes rencontrées en école préparatoire vétérinaire à Fresno et depuis nous ne nous sommes jamais séparées.
Je m'installe sous le plaid de la jolie blonde et la laisse passer un bras derrière mon épaule pour me réconforter.

- Je continue de penser que la fin de Tara est encore plus tragique que celle de Jax, je commente en voyant notre série préférée qui défile à l'écran.

- Celle de Jax est significative, me dit-elle absorbée par les bikers de sons of anarchy.

Je rigole. Miss Duncan est tombée folle amoureuse dès qu'elle a posé les yeux sur Charlie Hunnam, alors toutes les scènes de l'acteur sont ses préférées. Je reste assise avec elle le temps d'un épisode appréciant toujours de passer du temps avec elle. Mais la fatigue se fait tout de même sentir au bout d'un moment. J'embrasse ma meilleure amie sur le front avant de reprendre mon chemin en direction de ma chambre.

Soudain, des coups se font entendre à notre porte d'entrée ce qui me fait m'arrêter brusquement dans mon élan. Je pivote doucement ma tête.

- Tu attends quelqu'un ? Je demande à Riley, quelque peu étonnée.

- Gomez, qui tu veux que j'attende à 4h du matin ?

Une peur s'empare de mon ventre et je me retourne vers le sas où d'autres coups répercutent. Je m'en approche à pas lents, frôlant la tachycardie. Je me tourne une dernière fois vers Riley qui n'a pas bougé du canapé. Elle s'est tout de même emparée d'un magasine qu'elle a replié sur lui-même comme arme de défense. Sa réaction aurait tendance à me faire rire mais le contexte actuel n'est pas le plus propice. Je m'avance plus près de la serrure, prends le temps de mettre le loquet de sécurité le plus silencieusement possible et finis par entrouvrir, à la découverte de l'inconnu derrière cette porte.