Chapitre 4 : Let me introduce myself - 2/2 {Cyrielle}

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Un professeur reforma le groupe et leur intima de regagner l'amphithéâtre. Dix-sept heures avaient sonné, les épreuves allaient commencer, et ils devaient attendre d'être appelés pour être l'un après l'autre conduit dans une salle. Personne ne savait quoi escompter mais les pronostics allaient bon train.

À dix-sept heures quinze, il ne s'était toujours rien produit.

Dix-sept heures vingt-six et la moitié d'entre eux, au moins, était convaincue qu'ils s'étaient tous fait avoir. Que rien de ce qui avait été annoncé ne possédait ne fût-ce qu'une trace de vérité.

Dix-sept heures quarante-deux et le préfet Greenfield pénétra dans l'amphithéâtre, suivi de deux professeurs. Vêtu d'une chemise propre, il ne paraissait plus souffrir du moindre mal. Georgia et Cyrielle échangèrent un regard sans comprendre. Après avoir réclamé le silence, Laurie se mit à énoncer des noms, les uns après les autres. Le premier à avoir été appelé se leva, grandi par sa fierté, et tous les autres se sentirent contraints de l'imiter.

« Tous ceux que je viens de citer ont jugé bon de déserter nos rangs pour aller préparer les épreuves en cachette. Puisque cela constitue à la fois un acte de triche et une violation du règlement, vous voilà tous disqualifiés d'office. Vous êtes priés de quitter l'amphithéâtre sans attendre. »

Dans la salle, quelques rires se fondirent dans les protestations et autres cris de stupeur. Cyrielle aurait trouvé tout cela très drôle, elle aussi, si son esprit tout entier n'était pas occupé à tâcher de comprendre comment l'homme qu'elle avait cru si mal en point, quelques minutes plus tôt, pouvait désormais fanfaronner de la sorte sous leurs yeux.

« Bon sang, heureusement que tu m'as empêchée de les suivre, soupira Georgia.

— Non. » Cyrielle secouait la tête. « C'est lui. C'est lui, qui t'a empêchée de les suivre. »

C'était lui qui, semblait-il, contrôlait tout ce qui se tramait sous le ciel de cette ville.

« À présent, place aux choses sérieuses. Il paraît que rien ne stimule plus le cerveau qu'un peu d'exercice. Épreuve numéro un : les premiers sur le pont des Soupirs auront gagné. Attention, j'ai bien dit sur le pont des Soupirs. Il vous faut au moins un pied en contact avec le sol ou cela ne pourra pas être validé. »

Au début, personne ne quitta sa place.

« C'est ridicule, laissa échapper Cyrielle, le pont est minuscule. »

Sans compter qu'une course à pied paraissait si puérile, dans un endroit si prestigieux. Mais alors qu'elle formulait à voix haute ce à quoi tous devaient songer, les premiers élèves se levèrent. Bondirent, en réalité. Comme propulsés par de la dynamite explosant sous leur siège. Certains marchèrent à même les tables pour s'extirper hors de l'amphithéâtre, d'autres, encore, se murent si vite qu'ils semblèrent voler. Et Cyrielle céda, comme tout le monde. Entraînée par la foule, elle se mit à courir. Entre les bancs, dans les couloirs, les rues d'Oxford ; à en perdre haleine.

L'étrange soleil d'octobre ne suffit pas à éclairer leur bêtise. De temps à autre, quelqu'un tombait et personne ne s'arrêtait pour l'aider. Cyrielle elle-même fut bousculée plus d'une fois mais s'obligea à ne pas rendre la pareille. Georgia fut perdue de vue très tôt. Au bout de cinq minutes à peine, l'effort se fit déjà ressentir et Cyrielle dut marquer une pause, reprendre son souffle. Chaque bouffée d'air grimpait le long de sa gorge telle une flamme, dévorant tout sur son passage.

Une silhouette connue traversait la Jowett Walk. Madeline Richards. Elle marchait, un livre ouvert devant elle. Semblait lire à voix haute. Quand elle aperçut Cyrielle, son visage sérieux s'illumina d'un coup et elle lui fit signe de la main. Puis elle dût comprendre la raison de la présence de Cyrielle sur ce trottoir et se mit alors à l'encourager avec fougue, sans se départir de son sourire radieux. Bien qu'incapable de lui rétorquer quoi que ce soit, Cyrielle reprit sa course. Lorsqu'elle atteignit l'entrée de la cour du Hertford College, qui abritait le pont, ce dernier supportait déjà le poids du tiers de sa promotion. Agglutinés les uns contre les autres, s'insultant de vive voix, chahutant comme des petits monstres. Les genoux de Cyrielle lâchèrent sous l'effort. Sans même se rendre compte de sa chute, elle se retrouva assise à même la chaussée. Il ne servait plus à rien de rejoindre le pont pour tenter de se trouver une place parmi les vainqueurs. Derrière les vitres, une guerre semblait s'être déclarée, une guerre à laquelle elle n'avait jamais eu envie de participer.

CyrielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant