Chap. 9 : Well yes it is what it is but what it is isn't right - 1/2 {Bennett}

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"The less you give, the more we'll take

The stronger the chains, the more we'll shake"

Bennett

« Bethany, tiens-toi droite, tu ressembles au bossu de Notre-Dame. Tu sais que tu possèdes autant d'élégance qu'un hippopotame sur des rollers ?

Bennett, rectifia l'intéressée sans se redresser pour autant.

Cela faisait une heure qu'elle et Joey étaient tous deux attablés dans la salle à manger, pendant que sa tante Joan s'affairait à sa broderie dans un coin du séjour tout en vérifiant toutes les trois minutes trente qu'ils n'avaient pas échappé à sa vigilance tels de petits Houdinis.

« Bethany est le prénom dont tes parents t'ont affublée à la naissance, et que je continuerai d'utiliser jusqu'à ta mort.

— Ou jusqu'à la tienne, maugréa l'adolescente en appuyant un peu plus fort sur la mine de son crayon.

— Je te demande pardon ?

— J'ai dit : qu'à cela ne tienne. »

Joey pouffa, ce qui lui valut de décrocher un regard assassin de l'infirmière. Il poussa vers Bennett la caricature de Joan qu'il était en train d'esquisser, cachée sous ses exercices de mathématiques. Des cornes décoraient sa couronne tressée, une langue ophique s'échappait de ses lèvres, une queue de dragon sortait de son derrière. Le coup de crayon était remarquable ; son talent, inépuisable. Bennett approuva d'un large sourire avant de se tourner vers sa tante.

« Rappelle-moi ce qu'on attend, au juste ? Et pourquoi il nous est interdit de monter dans ma chambre ?

— La dernière fois que je vous ai envoyé faire vos devoirs dans ta chambre, il a fallu immobiliser ta cheville cassée pendant six semaines. »

Joey l'avait défiée de sauter depuis sa fenêtre. Jusqu'à la toute dernière seconde, il n'avait pas cru qu'elle essaierait vraiment.

« Mais c'était une expérience. On mettait le concept de gravité à l'épreuve.

— C'est ça, et ma patience avec, conclut Joan sans lui prêter plus attention. Nous attendons Théodore. Qui ne devrait plus tarder, à présent.

Ted. »

Joan laissa retomber sa broderie sur ses genoux.

« Redresse-moi cette satanée colonne vertébrale, je t'ai dit ! Tout de suite ! Si tu as fini et puisque de toute évidence tu t'ennuies, tu n'as qu'à te rendre dans ta chambre, justement. Toute seule, précisa-t-elle en vitesse en voyant le menton de Joey se soulever aussitôt, et débarrasser le bazar que tu y as laissé ce matin. Je n'ai jamais vu une fille se satisfaire de vivre dans un tel désordre. Qu'un garçon soit malpropre passe encore, mais alors une jeune fille... »

Il était difficile de deviner si le dégoût, dans sa voix, était destiné à la saleté à laquelle elle faisait référence ou à l'être de Bennett tout entier. Celle-ci n'eut pas l'occasion de mener plus en profondeur son enquête ou, d'ailleurs, d'aller ranger quoi que ce soit. Au premier son de la rotation d'une clé dans la serrure de la porte d'entrée, elle bondit de sa chaise pour aller accueillir son père.

« Enfin, te voilà ! s'exclama-t-elle. On a besoin de toi, par ici. Tante Joan est devenue folle. » Elle s'éloigna de lui une seconde, réfléchissant. « Plus folle que d'habitude. Je crois. En fait c'est difficile à dire. Toujours est-il que je m'inquiète pour elle.

CyrielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant