Chapitre 25 : I've gotta stop loving you - 1/2 {Cyrielle}

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"Gotta shake off this curse it weighs me down

Gotta let this house burn to the ground"

Cyrielle

« Pourquoi suis-je attachée ? »

Personne ne répondit à sa question. Ses poignets comme ses chevilles étaient pris au piège d'anneaux métalliques, reliés par de courtes chaînes aux rebords de son lit. Madeline lisait sur un fauteuil, non loin de la fenêtre. Elle n'était pas seule, Laurie était là aussi. Il se tenait debout près des rideaux, qu'il avait écartés pour mieux contempler le monde. Les murs étaient d'un blanc aveuglant ; Cyrielle peinait à garder les yeux ouverts et lorsque ses paupières, enfin, se décollaient, les images lui parvenaient par flashs. Puis disparaissaient parfois bien trop vite pour lui paraître réelles.

Une infirmière s'approcha d'elle et ajusta une perfusion sur son bras. Son nez lui brûlait, à cause des tubes qui s'engouffraient dans les profondeurs de ses deux narines. Laurie se déplaça jusqu'à sa petite amie et se pencha vers elle pour déposer un baiser au sommet de son crâne. Il lui dit quelque chose que Cyrielle n'entendit pas.

« Pourquoi suis-je attachée ?

— Vous avez été retrouvée sur la pelouse, au beau milieu de la nuit », lui répondit une voix.

Ce n'était pas celle de Madeline. Cyrielle s'obligea à ouvrir grand les yeux, mais elle discernait à peine les traits de l'infirmière qui lui parlait. Qui lui parlait en français.

« Vos mains étaient en sang, vos propos incohérents. Il semble que vous ayez essayé de vous échapper, Mademoiselle Chorkah. » Elle soupira. « Encore une fois. »

Cyrielle se rappelait vaguement avoir escaladé une grille. Le portail de Trinity College ? Non : au dernier moment, elle n'avait pas osé grimper comme Laurie au sommet du portail bleu. Elle se souvenait pourtant du métal froid contre ses pieds nus. Se souvenait avoir abandonné parce que les paumes de ses mains saignaient. Se souvenait des microcoupures, foyers de l'incendie sur sa peau. Elle se souvenait des flammes, elle se souvenait de la fumée, de cette fumée sans merci, filant le long de sa gorge, elle se souvenait avoir abandonné.

« Attachée ? », répéta une femme.

Madeline. Cette fois, c'était Madeline. Tout près d'elle, serrant sa main.

« Chérie, de quoi est-ce que tu parles ? Tu n'es pas attachée. »

Ses poignets, en effet, étaient de nouveau libres. Ses chevilles aussi. Un couple attendait qu'elle se réveille. Une femme au teint plus pâle encore que d'habitude, les yeux complètement vides. Et un homme à la peau plus foncée, dont les cheveux noirs viraient au blanc depuis déjà plusieurs années. Ses parents, assis là où Madeline répétait son texte à voix basse quelques minutes plus tôt. Où était passée Madeline ? Cyrielle verrouilla ses paupières pour ne plus les voir. Leur chagrin était insoutenable ; se propageait où qu'ils aillent.

Sa gorge était sèche.

Elle réclama à boire. Il lui semblait qu'elle n'avait rien avalé depuis le siècle dernier.

« Absence d'appétit », commenta une voix – encore une autre –, comme en réponse à ses pensées.

Absence d'appétit. Absence d'envie. L'impression d'être vide. Et en même temps un poids énorme, à l'intérieur. L'étouffant jusqu'à suffocation.

« Où sont mes parents ? », s'enquit Cyrielle lorsqu'elle recouvra des forces et parvint à soulever son buste de quelques centimètres.

Madeline avait retrouvé sa place près de la fenêtre, mais son père et sa mère s'étaient évaporés. La jeune femme se leva de son fauteuil et s'assit sur le bord de son lit. Les images étaient plus nettes, désormais. Les murs, toujours trop blancs.

CyrielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant