Chap. 9 : Well yes it is what it is but what it is isn't right - 2/2 {Bennett}

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Bennett fut réveillée cette nuit-là par le bruit très distinctif d'un caillou heurtant la vitre de sa fenêtre. Puis un autre. Et encore un autre. Elle les compta un par un et au bout du dixième, abandonna ses draps pour aller ouvrir.

« C'est pas trop tôt, se plaignit Joey à voix basse devant les grilles du jardin des Bennett.

— Tu as interrompu un super rêve. J'étais en train de voler.

— J'admets ne pas avoir mieux à te proposer, reconnut son ami, mais descends quand même. On n'ira pas loin, promis. » Bennett faillit lui rétorquer que s'en aller le plus loin possible, au contraire, ne lui apparaissait pas comme la plus terrible des idées. « Juste, ne saute pas, cette fois, O.K ? Ta tante m'en a encore fait tout un fromage, sur le trajet, tout à l'heure. À l'entendre on dirait que c'est moi qui t'ai poussée.

— Tu m'as défiée. »

Joey leva les yeux au ciel.

« Ma phrase exacte était : jusqu'à quelle hauteur crois-tu qu'on puisse sauter sans risquer de se casser quelque chose ?

— Et tu as eu ta réponse : moins haut que la fenêtre de ma chambre. »

Le garçon attrapa un nouveau caillou et visa Bennett en plein cœur.

« Descends au lieu de faire la maline. »

La jeune fille passa une jambe par-dessus sa fenêtre et s'exécuta. C'était une chorégraphie dont elle maîtrisait chaque mouvement ; elle la dansait si souvent. Il y avait à cet étage une porte qui donnait sur un escalier menant vers l'extérieur, mais elle se trouvait dans la chambre de Joan et cette dernière la verrouillait toujours avant de quitter la maison pour l'hôpital. Sans doute anticipait-elle les folles idées qui germaient sans peine dans l'esprit de sa nièce ; sans doute aurait-elle pu aussi deviner que Danny enseignerait à Bennett et Joey comment crocheter n'importe quelle serrure avec n'importe quel objet pointu. Ce secret était néanmoins trop précieux, trop spécial pour être ébruité bêtement, et Bennett évitait de faire usage de son talent sous son toit. Si Joan l'apprenait, elle serait capable de remplacer toutes les entrées de la maison par des portes blindées contrôlées par une intelligence artificielle ne répondant qu'à sa voix.

Non.

Elle serait capable d'assassiner Danny. Meurtre parfait, zéro cadavre, grand sourire.

Plutôt que de traverser tout simplement la chambre de sa tante, Bennett devait donc, pour sortir en cachette, poser un pied sur le rebord du toit, puis l'autre, avancer avec précaution sur sa gauche, contourner l'angle du mur – c'était le passage le plus délicat –, attraper les rambardes en métal du fameux escalier de la délivrance, puis se hisser sur la plateforme. Et enfin, descendre les marches d'un pas de fée, le souffle court mais les lèvres étirées d'une oreille à l'autre.

« Trente-huit secondes. Tu te ramollis. »

Se renfrognant derechef, Bennett le repoussa d'une petite tape dans l'épaule.

« Mais tu ne m'as pas prévenue que tu me chronométrais !

— Je te chronomètre à chaque fois, se défendit-il. Je ne m'en aperçois même plus, c'est un réflexe, une voix compte toute seule dans ma tête. Et là, la voix est en train de me dire que tu te ramollis. Même la vieille Joan aurait été plus rapide.

— Je n'étais pas concentrée, se justifia la fillette, je ne suis pas d'humeur.

— Et c'est précisément pour ça que je suis là. Viens, on va s'asseoir sur le trottoir. Légalement il vous appartient, et donc techniquement tu ne seras pas vraiment sortie de chez toi. »

CyrielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant