"Raise up!"
Bennett
Bennett ne cessait de tourner et retourner dans sa main ce nouvel objet magique en sa possession depuis la veille. Il ne détenait en réalité de magie que pour elle. C'était un téléphone portable datant d'une époque dont elle n'avait aucun souvenir et qui n'assurait que sa fonction première. Ted le lui avait confié – lui qui s'efforçait pourtant d'élever ses deux filles aussi loin des nouvelles technologies que possible – sans cacher sa déception : « s'il devait t'arriver quoi que ce soit, c'est moi que tu appelles, d'accord ? Ton oncle n'est pas ton contact d'urgence. Dans quelque univers que ce soit. » Bennett s'était retenue de sourire, parce que c'était précisément ce que Danny lui-même lui avait dit ce fameux soir, en allant la chercher à l'hôpital. « Je ne devrais pas être ton contact d'urgence. » Peut-être. Il était néanmoins le seul à ne jamais élever la voix sur elle, le seul à ne jamais critiquer ses choix, à l'encourager, à vrai dire, peu importait le chemin qu'elle décidait d'emprunter, quand Joan semblait trouver que même le rythme de sa respiration n'était pas tout à fait approprié et quand Ted... Eh bien en vieillissant, Ted devenait de moins en moins insensible aux commentaires de sa belle-sœur. Bennett devait-elle s'inquiéter à ce sujet ? Probablement.
Elle n'avait pas croisé Joey, aujourd'hui, et cela aussi l'inquiétait. Pardonner n'était plus aussi facile qu'avant, plus aussi évident. Ni pour elle, ni pour lui. Les querelles autrefois si vite oubliées laissaient maintenant des marques, des cicatrices, elles requéraient des explications, retenaient leur amitié en otage, exigeaient des rançons. Causaient moins de bruit, plus de dégâts. Du poison, voilà ce qu'elles étaient devenues. Elles piquaient sur l'instant, tuaient à petit feu. Bennett regrettait les explosions, les cris, les jeux de mains jeux de vilains qui réglaient dans un grand éclat de rire n'importe quelle dispute une bonne fois pour toutes.
Il était un peu plus de dix-sept heures quand elle se dirigea vers le restaurant de Danny. Décidant d'être sage, elle prit le car pour ne pas marcher seule dans la rue. L'arrêt était situé du côté de l'arrière-boutique, et elle aperçut son oncle dès sa descente du bus, en pleine discussion avec deux hommes qu'elle n'avait jamais vus auparavant. L'un était vêtu d'un costume trois-pièces extrêmement élégant, tandis que l'autre portait un jogging gris très large.
Danny semblait agité. Il fumait comme les jours de match des Red Sox et Bennett, depuis le trottoir, pouvait déjà discerner la ride qui se creusait sur le front de son père dès lors que quelque chose le perturbait ; sur le front de Danny, jamais.
Elle leva une main en le voyant tourner la tête dans sa direction, et son expression changea du tout au tout lorsqu'il la reconnut. Il inspira une grande bouffée de sa cigarette et envoya sa fumée sur l'homme en jogging qui s'était avancé vers lui, menaçant. Quand Bennett parvint à leur niveau, les deux inconnus avaient pris congé. Ne restait plus que son oncle sur le macadam.
« Depuis quand arrives-tu de ce côté-là, toi ?
— J'ai pris le bus pour ne pas quitter la foule. J'ai des règles strictes à respecter.
— Et tu les respectes vraiment ? Surprenant, mais tout à ton honneur. Maintenant rentre chez toi, tu veux ? »
Il avait levé une main devant lui, contre laquelle s'entrechoqua le corps de Bennett – qui déjà cherchait à s'engouffrer à l'intérieur des cuisines sans attendre sa permission .
« Pourquoi ? s'indigna-t-elle en retrouvant contenance. Pourquoi est-ce que tu m'interdis d'entrer ? Ted a pourtant accepté de –
— Oui, oui, je sais bien, mais il se trouve que mon commis est tombé malade alors je dois me charger de tout, aujourd'hui. Je n'ai pas le temps de jouer la baby-sitter.
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Cyrielle
Fiksi UmumOxford, Angleterre, 1998. Cyrielle, dix-neuf ans, entre en première année de droit dans la prestigieuse université d'Oxford. Lorsqu'elle entend parler de fraternités secrètes et d'une dangereuse compétition qui se jouerait entre les murs de l'école...