"We were born wild"
Bennett
Ils étaient ligotés à une chaise. Comme au cinéma, mais sans popcorns, sans étoiles dans les yeux, sans sortie de secours. Bennett tira sur ses poignets et grimaça en sentant les liens lui brûler la peau.
« Ne t'agite pas comme ça », lui souffla Joey. Assis en face d'elle, il semblait étonnamment calme. « Tu vas juste réussir à te faire mal.
— Comment se fait-il que tu ne paniques pas ? »
Contrairement à elle, qui n'écouta pas ses conseils et tenta de nouveau de se libérer par le seul usage de la force.
« Ça aiderait, si je paniquais ? ironisa-t-il. Non parce que je peux le faire, hein, c'est tout à fait dans mes cordes. Un mot de ta part et je lance la machine. D'ailleurs pour être honnête, je crois que le pilote automatique est déjà en train de s'enclen–
— Bon sang, tu me fais honte, Joey.
— Et c'est toujours avec plaisir. »
Au fond du regard de son meilleur ami perça soudain un début de quelque chose, qui disparut aussi vite qu'il était apparu, qui disparut tout de même trop tard. Bennett reconnut la peur avant qu'il n'ait le temps de l'enfouir à nouveau aussi profondément que possible. Bien sûr, qu'il avait peur. Il était tétanisé, comme elle. Il s'échinait simplement à ne pas le lui montrer, luttait de toutes ses forces pour la rassurer, la convaincre que tout allait bien se terminer, lui insuffler du courage. Pendant qu'elle se plaignait comme une idiote.
Bennett ne reconnaissait pas l'endroit. La pièce dans laquelle on les avait abandonnés à leur sort s'apparentait à une bibliothèque, et pour la première fois de sa vie dans un tel lieu elle ne fut pas tentée de se rapprocher des étagères pour lire les titres inscrits sur chacune des tranches des multiples ouvrages. Si elle parvenait à s'échapper d'ici, elle courrait aussi loin que ses jambes le lui permettraient, sans un regard en arrière pour tous ces livres. Elle se précipiterait dans les bras de Ted et ce même si ce dernier devait la détester, à l'heure actuelle.
« Ce n'est pas la maison de Monsieur Bobby, pas vrai ? demanda-t-elle à l'intention de Joey. Ça ressemble à l'une des pièces dans lesquelles tu es entré hier soir ? »
Il fit non de la tête.
« Mais c'est bon signe, affirma-t-il, ça veut dire que ça n'a peut-être aucun rapport avec hier soir. Et si c'était juste un coup de Danny pour nous faire peur ? »
Un homme déboula parmi eux en ouvrant la porte avec grand fracas. De stature massive, il roulait des épaules comme l'oncle de Bennett mais contrairement à ce dernier, ne transpirait pas la nonchalance. Bien au contraire. Il se déplaçait vite, comme s'il avait la mort aux trousses, comme s'il tentait de la semer depuis sa naissance. Une voix lança quelque chose depuis une autre pièce, et il partit d'un éclat de rire tonitruant avant de se figer aussitôt. Ses yeux se posèrent sur Bennett, humides et brillants. Rouges. Ils lui rappelèrent l'illusion du feu d'artifice provoqué par les flammes, le jour de l'incendie.
Il s'exprima dans un dialecte irlandais dont elle ne comprit pas un mot. Elle se retourna vers Joey, qui secoua la tête, incapable de l'aider. Leur ravisseur semblait de toute façon se parler à lui-même.
« Pourquoi ils sont deux ? », cria-t-il dans un anglais compréhensible en direction de la voix dans l'autre pièce.
L'homme au chewing-gum rose apparut dans l'entrée et haussa les épaules.
« Ils étaient deux à l'heure du retrait du colis. J'crois bien que c'est un package. Un acheté, un gratuit. Comme les pizzas. »
Le ravisseur tourna le dos aux enfants et Bennett lut sur les lèvres de Joey ce qu'elle avait déjà compris : Cousin Bobby. Ce dernier s'était penché sur un bureau et traçait une ligne de poudre blanche. Puis il se boucha une narine, s'inclina davantage, et en se redressant poussa un cri d'euphorie qui provoqua chez Bennett des sueurs glaciales. Il la contempla de nouveau en pivotant sur ses talons et sembla se demander qui elle était, au juste, et par quel miracle elle avait été téléportée jusque chez lui. Bennett envisagea de s'adresser à lui mais ne trouva rien, dans son regard, sur quoi jeter son ancre. Joey se racla bruyamment la gorge dans une vaine tentative d'attirer l'attention de la bête.
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Cyrielle
General FictionOxford, Angleterre, 1998. Cyrielle, dix-neuf ans, entre en première année de droit dans la prestigieuse université d'Oxford. Lorsqu'elle entend parler de fraternités secrètes et d'une dangereuse compétition qui se jouerait entre les murs de l'école...