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Elle s'était habillée pour l'occasion. Piochant dans son armoire des vêtements aussi sombres que le plumage d'un corbeau. Elle était, du reste, prête à s'envoler pour sa mission. Le cœur battant à tout rompre, l'esprit embouteillé de milles pensées, les ailes sujettes aux vents contraires.
Pas tout à fait prête, à la réflexion.
Il restait encore quelques touches à apporter à son costume pour le parfaire avant de descendre, quelque courage à rassembler pour éviter la chute. Se plaçant face à son miroir, elle ramena ses cheveux sous un bonnet de bain qui lui serra le crâne à lui faire craindre l'explosion. Positionna ensuite avec soin par-dessus la perruque noire qu'Alyssa avait achetée l'année précédente, pour se déguiser en Colleen Moore à la fête d'Halloween de son lycée. Halloween. Cette fête que leur mère aimait tant et que leur père refusait désormais de célébrer.
Bennett ouvrit et referma plusieurs fois les paupières comme pour s'acclimater à cette nouvelle réalité. La fille piégée dans son reflet était une parfaite inconnue qu'elle était plus que ravie de rencontrer. Après quelques secondes et une grande inspiration, elle tâta sa poche pour vérifier que l'épingle à nourrice s'y trouvait bien, et jeta un œil à sa montre. Vingt-trois heures passées de deux minutes. S'il n'avait pas changé d'avis, Joey devait déjà l'attendre en bas.
Elle se dirigea jusqu'à la fenêtre et en n'apercevant son ami nulle part, sentit la déception se propager avec fureur dans tout son être. Consumer organe après organe après organe. Elle n'avait pourtant pas besoin de lui ; ni de lui, ni de sa sœur, ni de Danny, ni de sa mère, ni de personne. Et puis il émergea soudain, se décollant du tronc de l'arbre qui, sur le trottoir, l'avait avalé tout entier. Les muscles de Bennett se détendirent aussitôt.
Elle attrapa son sac, puis referma doucement la fenêtre derrière elle avant de descendre pour le rejoindre dans la rue. Sous la lumière du lampadaire, elle lui apparut sous son nouveau visage et il écarquilla les yeux.
« Whoah, j'aurais pu ne pas te reconnaître », souffla-t-il. Lui-même avait rabattu la capuche de son sweatshirt trop large pour dissimuler en partie sa physionomie. « C'est quoi, sur ta figure ?
— Du maquillage emprunté à Tante Joan. »
Elle avait peint ses joues en noir et cela lui avait rappelé le soir de l'incendie, la suie collée à sa peau, l'adrénaline fusant dans ses veines.
« Allons-y, chuchota-t-elle à Joey en l'éloignant de la maison.
— Tu en es sûre ? demanda-t-il sur le même ton. Pas de changement d'avis de dernière minute ? Tu sais que si Ted découvre que –
— Personne ne découvrira quoi que ce soit, fais-moi donc un peu confiance. Tout va bien se passer.
— Alors tu l'as fait, tu l'as vraiment fait. Tu les as endormis. »
Bennett hocha la tête. Joey avait volé à sa requête un somnifère dans l'armoire à pharmacie de sa mère, et le lui avait remis dans l'après-midi.
« J'ai écrasé le comprimé et j'ai versé une partie de la poudre dans le thé du soir, lui confirma-t-elle. Ni Ted, ni Alyssa, ne se réveilleront avant demain matin. Quant à Bobby, je t'ai dit qu'il ne serait pas chez lui ce soir. La dernière fois que j'étais au Goodfellas – enfin non, pas la dernière fois, la dernière fois il a menacé de me tuer, mais la fois d'avant –, il plaisantait avec Oncle Danny au sujet d'un weekend à Manchester-by-the-Sea. Il n'arrêtait pas de lui adresser des clins d'œil en tirant la langue et Oncle Danny a viré au cramoisi, c'était dégoû–
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Cyrielle
Ficción GeneralOxford, Angleterre, 1998. Cyrielle, dix-neuf ans, entre en première année de droit dans la prestigieuse université d'Oxford. Lorsqu'elle entend parler de fraternités secrètes et d'une dangereuse compétition qui se jouerait entre les murs de l'école...