"Maybe the dream that we had is gone"
Somerville, Massachussetts, États-Unis, 2019
Le sol trembla sous les pieds de Bennett quand la tête de Joey vint frapper les dalles. Il était impossible, comme d'habitude. Ce n'était qu'une vulgaire goutte de sang. Provenant de son propre doigt.
« Il est toujours comme ça, ton copain ? lui demanda sa sœur Alyssa, un index pointé en direction de la masse inerte à vague forme humaine qui gisait à présent par terre.
— Il ne supporte pas la vue de son sang, expliqua Bennett tout en commençant à le marteler de coups de pieds, légers au début, puis comme il ne se réveillait pas, de plus en plus puissants. Allez, nom d'un chien. Debout, la belle au Bois Dormant ! Joey ! Joey ! Bon sang, Joey, tu me fais honte ! »
La mère de son meilleur ami scandait ces derniers mots en permanence depuis qu'il était en âge de marcher. Parfois pour un rien. Souvent à raison. Mais trop fréquemment, à vrai dire, pour qu'ils exercent encore la moindre influence sur son fils. Bon sang, Joey, tu me fais honte. Depuis c'était devenu un jeu, entre eux : dès qu'il se tournait en ridicule, volontairement ou non – la plupart du temps ce n'était pas volontaire, même lorsqu'il affirmait le contraire – Bennett posait les mains sur ses hanches, haussait sa voix de deux octaves jusqu'à flirter avec les ultrasons, et déclamait cette phrase magique qui les faisait rire aux éclats en privé, pouffer sous cape en public.
Du moins Joey riait-il d'ordinaire.
Lorsqu'il n'était pas, comme maintenant, en train de baver sur le sol du garage de ses voisines. Lasse de ne viser que les mollets de son ami, la chaussure de Bennett commença à lui chatouiller les côtes.
« Tu vas lui faire mal ! la réprimanda sa sœur.
— C'est un peu le but », répliqua-t-elle en haussant les épaules.
Bennett s'arrêta en plein mouvement, le pied en l'air, car user de la force n'était plus nécessaire.
« Et regarde, ajouta-t-elle fièrement, ça fonctionne.
— Le parquet... le parquet..., radota Joey en boucle en revenant à lui, entre deux geignements de douleur. Mes os... pourquoi j'ai aussi mal aux... Le parquet...». Il commençait à se relever, à présent. « Il y avait tellement de sang, je suis désolé, j'ai dû salir tout votre... »
Les mains sur le sol, il promena un regard circulaire tout autour de lui, l'air hagard.
« Parquet ? acheva Bennett à sa place, un sourire sournois peint sur ses lèvres. Joey, sérieusement, ce n'était qu'une minuscule goutte, je crois qu'on pourra se passer d'un service de nettoyage. Et puis nous ne sommes pas à la maison mais au garage, il n'y a même pas de parquet, par ici. Reprends tes esprits, tu nous fais perdre du temps.
— Non, je suis formel, se défendit-il en écartant de ses yeux ses mèches caramel un peu trop longues, il y en avait des torrents, je t'assure. » Son regard balaya la pièce et ses sourcils s'arquèrent aussitôt. « Même si je ne saurais dire, bien sûr, comment tout ce sang s'est évaporé depuis, c'est incroyable, inexplicable d'un point de vue scientifique, certes, à moins de considérer que j'ai été inconscient pendant... » Il commença à compter sur ses doigts, se résigna presque aussi vite. « En tout cas ce qui est certain, c'est que c'était beaucoup plus qu'une simple –
— Silence ! »
Les lèvres de Joey se refermèrent brusquement l'une sur l'autre.
« Si tu as fini de faire ton cinéma, la cérémonie va pouvoir reprendre.» Bennett s'éclaircit la voix et tâcha d'adopter un ton plus solennel. « Il est stipulé dans les règles de la Brigade que tous les membres de ladite Brigade doivent être présents et éveillés au moment de l'inclusion à la Brigade d'un nouveau membre de cette même Brigade.
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Cyrielle
Ficção GeralOxford, Angleterre, 1998. Cyrielle, dix-neuf ans, entre en première année de droit dans la prestigieuse université d'Oxford. Lorsqu'elle entend parler de fraternités secrètes et d'une dangereuse compétition qui se jouerait entre les murs de l'école...