Chapitre 19 : Never knew I was a dancer - 1/2 {Cyrielle}

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"'Cause I'm gonna be free

and I'm gonna be fine

(Maybe not tonight)"

Cyrielle

C'était l'avant-dernier jour avant le début des vacances de Noël. Cyrielle rendit visite à Georgia à l'hôpital : son état était rassurant. Effrayant comme tout, absolument tout, du sol au plafond, des murs immaculés aux jardins trop parfaits, des bips des machines aux bonjours polis du personnel, dans cette antichambre au paradis que Cyrielle haïssait jusque dans sa chair, mais rassurant.

« Tu te rends compte, lui lança son amie depuis son lit médicalisé avec un sourire amer, que j'ai raté le dîner de Noël pour rendre un devoir que je n'ai même pas pu terminer, parce que j'étais trop occupée à convulser comme une espèce de junkie de seconde zone ? Quelle honte. »

Cyrielle ne trouva pas quoi lui répondre. Toute son énergie était mobilisée dans sa lutte contre une violente envie de s'enfuir.

« Comment était-ce ? la questionna Georgia.

— Quoi donc ?

— Le dîner de Noël, enfin.

— Oh, ça ! Génial. Sensationnel. Vraiment. » S'exprimer par saccades limitait le risque de se trahir. Vomir. Partir.  « Mais Georgia, je compte sur toi pour assister à celui de l'année prochaine. Tu as intérêt à me le promettre.

— Ça, ça va dépendre de mes parents. J'ai demandé aux docteurs de leur dire que j'avais failli y passer de manière à ce qu'ils flippent davantage, mais hurlent moins. Mais en y réfléchissant, c'est peut-être une mauvaise stratégie. S'ils ont trop peur, ils se figureront que je n'ai pas les épaules pour supporter la pression d'Oxford et que je réussirais tout aussi bien dans une université bas de gamme.

— Les médecins ne mentiront pas pour vous, intervint une infirmière en se greffant à leur conversation, ils se conteront de dire la vérité.

— Alors advienne que pourra, soupira Georgia. À quelle heure part ton train ? Ou ton avion ? » L'air ahuri de Cyrielle l'obligea à préciser : « Pour rentrer chez toi. Pour Noël ?

— Oh non, je ne rentre pas, je reste ici. Ma famille n'est pas vraiment du genre à –

— Mademoiselle, il faut partir, maintenant. Votre amie a besoin de répit. »

Cyrielle acquiesça en tâchant de dissimuler son soulagement. Elle obtempéra aux ordres de la femme en blouse blanche, pressée de quitter les lieux. Sur les derniers mètres, se retourna avec une ultime question :

« Georgia, qui t'a trouvée ? Hier soir, qui a alerté l'infirmerie ?

— Laurie, bien sûr. » Son amie avait reposé sa tête contre l'oreiller et fixait le plafond. Elle déclara d'une drôle de voix : « C'est vrai ce qu'ils disent, tu sais. Quoi qu'il arrive, le Préfet veillera toujours sur nous. »

***

Cyrielle ne croisa plus personne dans les couloirs jusqu'au grand départ. Tous les élèves étaient affairés à préparer leurs valises ; certains étaient même déjà logés aux fins fonds d'un wagon en direction des profondeurs de l'Angleterre, ou assis près de hublots, volant par-delà les océans pour rejoindre parents, frères et sœurs, amoureux, amis.

Elle reçut sous sa porte un mot de Madeline et un mot de Laurie.

Écrits séparément.

CyrielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant