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Joey continua de l'éviter, le lendemain. Bennett l'aperçut bien au bout d'un couloir du collège, peu avant la pause déjeuner, mais il fut noyé par la foule et ne refit pas surface. Plus il jouait à ce petit jeu avec elle et plus elle voulait l'envoyer au diable. Lorsqu'elle finirait par le croiser, les excuses qu'elle avait préparées se seraient tellement décomposées qu'elles auraient un goût d'insultes.
Mieux valait encore ne pas le croiser du tout.
Elle se rendit de nouveau au Goodfellas après les cours, et fut presque heureuse de ne pas y trouver Danny. Il était tard, presque dix-neuf heures. Giuseppe, le commis de cuisine, prêtait déjà main-forte à la serveuse. Il emportait lui-même deux salades César à un couple près de la baie vitrée quand elle s'installa derrière le comptoir. Ne sembla pas saisir de quoi elle parlait, quand elle lui demanda s'il se sentait mieux. Et ne sembla pas comprendre davantage quand Bennett attrapa l'assiette d'antipasti qu'il tenait entre les mains pour l'apporter à une table à sa place.
« Avec les compliments de la maison, Monsieur Bobby », annonça-t-elle fièrement devant son regard interloqué.
En face de lui était assise une beauté de cinéma aux longs cheveux noirs. Elle portait une robe de soirée rouge et un collier en diamant qui scintillait au point d'aveugler quiconque s'aventurait à poser les yeux dessus. Peut-être était-ce même là l'effet escompté. Bennett comprit tout de suite qu'elle avait choisi le mauvais jour, la mauvaise heure, la mauvaise vie, probablement, pour mettre son plan à exécution, mais il était trop tard pour reculer.
« Ils embauchent les serveurs à la sortie du berceau, maintenant ? s'amusa Monsieur Bobby en s'adressant davantage à sa compagne qu'à la jeune fille. Tonton Danny te fait bosser en échange de bonbons ? J'espère que t'as bien négocié ton salaire. »
Changeant brusquement de ton, il bifurqua vers Bennett et elle eut bien du mal à reconnaître en lui l'homme qui, d'habitude, la gratifiait d'un clin d'œil et d'un sourire complices.
« Ramène ça en cuisine, tu veux ? On n'a rien commandé de tel.
— Mais c'est gratuit. »
Bobby partit d'un grand éclat de rire. Dans l'espoir de découvrir ce qu'il y avait de si drôle, Bennett osa un regard furtif vers celle qui, ce soir, partageait la compagnie de l'homme à la crinière de feu, mais cette dernière l'observait comme si elle n'avait jamais constaté autant de stupidité dans un seul être.
« Tout est toujours gratuit, ici, chérie, finit par lui expliquer Bobby lorsque cessa son hilarité. Te faut-il autre chose, ou pouvons-nous poursuivre notre repas en paix ? »
Bennett attrapa une chaise inoccupée, sur sa droite, et s'invita sans permission à la table de l'ami de son oncle.
« À vrai dire, il me faudrait bien autre chose. J'aimerais avoir votre avis sur la mort de Marco Rodriguez.
— Un gosse du coin, précisa-t-il à l'intention de la sylphide vêtue de rouge. Le pauvre a été assassiné il y a quelques jours. Une sale histoire, d'après ce que j'ai entendu. »
Il secouait la tête comme s'il trouvait réellement cela regrettable.
« C'est une tragédie, voilà ce que j'en pense, répondit-il à Bennett. Qu'est-ce que je pourrais en penser d'autre ? »
Elle haussa les épaules.
« Je ne sais pas. Certains n'y verraient pas simplement une tragédie, mais une injustice.
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Cyrielle
General FictionOxford, Angleterre, 1998. Cyrielle, dix-neuf ans, entre en première année de droit dans la prestigieuse université d'Oxford. Lorsqu'elle entend parler de fraternités secrètes et d'une dangereuse compétition qui se jouerait entre les murs de l'école...