Problèmes techniques

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Un peu de considération et une petite pensée pour les autres font toute la différence» – Bourriquet (Winnie l'Ourson)


Nous venons de quitter Chicago. C'est Mathilde qui conduit, et moi, suis toujours devant. On en a pour presque 7 heures !!!!!! Je vais mourir, c'est obligé. En plus, on s'arrête juste un jour à Omaha (ville dortoir, vous vous souvenez ? Si vous ne vous souvenez pas, (re) lisez le chapitre : Comme un gosse de six ans) ... Je cale ma tête contre la fenêtre et regarde le paysage défiler. Je ferme mes yeux, et commence à m'assoupir. Je n'entend plus rien. Je suis si fatiguée, je ne comprend pas. Pourtant, je n'ai rien fait de particulier. La musique de la radio me berce doucement, je m'envole. Je rêve, je cauchemarde.

Je m'imagine chez moi, je pense que je suis une autre personne. Depuis toute petite, aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours tout programmé. Mes cours, mes activités, mon métier que je ferai plus tard, mes études. Avec quel type d'homme je me marierai, quel appartement j'aurai. J'ai toujours tout réglé au millimètre près. Pour moi, le hasard, la providence ou le destin n'existaient pas. J'étais seule maître de mes choix. Je dirigeais tout, j'envisageais tout. Je prévoyais tout à l'avance. Je prévoyais ma vie. Je n'ai jamais su profiter. Tout allait à cent à l'heure pour moi. J'ai toujours été une petite fille qui courait tout le temps, qui parlait sans arrêt, pleine de joie de vivre. Tout allait vite pour moi, je ne supportais pas les gens avec deux de tension. J'ai toujours tout fait trop vite. Que l'on parle de mes devoirs de maths, de mes choix, de mes décisions. J'ai grandi trop vite, j'ai toujours voulu être plus grande que je ne l'étais. Je regrette maintenant. Je ne profiterai jamais de la vie. C'est comme ça, j'aurai beau essayer, je n'y arriverai pas. On passe notre vie entière à s'inquiéter de l'avenir, à faire des projets pour l'avenir, à essayer de prédire l'avenir... Comme si savoir à l'avance pouvait amortir le choc. Mais l'avenir change constamment. L'avenir est le lieu de nos plus grandes peurs, et de nos espoirs les plus fous. Mais une chose est sûre : quand finalement, il se dévoile ... l'avenir n'est jamais comme on l'avait imaginé. Il y a dix ans, je ne m'imaginais pas être en road trip avec des amies. Je ne m'imaginais pas partir deux ans plus tard de la maison, je ne m'imaginais pas être celle que je suis aujourd'hui. Je ne m'imaginais rien. J'avais à peine onze ans. Qu'est-ce que c'est onze ans dans la tête d'une petite fille. J'avais d'autres soucis. Mon entrée en sixième, ma colo. Mes amis. Mes conneries, mes rêves de devenir préfet. Je n'appréhendais pas l'avenir, j'avais confiance. Mais je programmais. Par sûreté.


- Et merde ....


J'ouvre les yeux, encore dans mes pensées. On vient de s'arrêter en plein milieu de la route. Il n'y a personne à des kilomètres à la ronde. Je tourne la tête vers Mathilde qui appuie comme une demeurée sur la pédale, elle me regarde, les yeux paniqués.


- Charlotte, je crois qu'on a un problème. Y a plus d'essence, j'arrive pas à démarrer.

- Qu'est-ce qui se passe encore ? Râle Inès.


Tout le monde s'était assoupi, ou écoutait de la musique sur leur portable. En tout cas, le van était calme quoi. Forcément, avec le « qu'est-ce qui se passe encore » d'Inès, tout le monde était réveillé, totalement conscient.

Mathilde pince les lèvres, se retourne et leur dit, complètement stoïque :


- On a plus d'essence.


Gros blanc.


- C'est une blague j'espère ? Parce que si c'est le cas, c'est franchement pas drôle dit Anouck en se redressant.

Une part de moi-mêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant