Une part de moi-même

Bonjour, Coachella !

We are too young to be sad.

9 juillet, 10h46, Coachella Valley

- On y est vraiment ? chuchote Anouck, me serrant la main, très fort.

Nous y voilà. J'ai du mal à y croire. Devant mes yeux, l'entrée du grand festival : Coachella. Si controversé. On a fait tellement d'économies, on en a tellement parlé, rêvé et rerêvé.

En général, Coachella ouvre ses portes en avril, mais cette année, il y a eu, en mars, une énorme tempête, qui a ravagé la moitié de la Californie et du Nevada. Le festival a donc été reporté en juillet, une chance inouïe pour nous.

- Bon, ils sont mignons, mais je me gare où, moi ? grommelle Inès, cherchant une place, desespérée.

- Je crois qu'il faut avancer jusqu'au guichet. Là, ajoute Clara en regardant sur son portable, ils nous passeront des bracelets qui nous permettront d'aller sur les différentes scènes de la vallée. Enfin, je crois hein, c'est ce qu'ils marquent.

Nous avons commandé nos billets en avance, sur internet. Les autres aussi d'ailleurs, sauf Conrad et Hailey, qui n'ont absolument rien compris. "On va les acheter là-bas, ce n'est pas grave, des personnes meurent dans d'autres pays, vous savez.". Ces enfants sont malades.

- Mais vous croyez qu'ils vous nous laisser rentrer ? demande Mathilde, fronçant les sourcils.

Personne ne répond. On a toutes un peu peur, à vrai dire.

Il y a un monde fou, partout. On a du mal à avancer, et je vois bien qu'Inès commence dangereusement à s'énerver. Elle va pas tarder à insulter les gens qui passent devant nous, nous barrant la route, et que ça va partir en cacahuètes. Alors qu'on est même pas vraiment arrivé.

- Bon, tu sais quoi ? Je vais descendre, voir au guichet, et demander des renseignements. Ca va, y a pas l'air d'avoir bcp de monde. Vous, vous restez là, et vous faîtes des tours pour trouver une place le temps que je règle toute cette merde. Ok ?

Ok, frau Belmondo. Le côté dictateur de Clara ressort, de temps en temps. Mais vu l'état d'énervement dans lequel nous sommes, nous obéissons sans broncher, et laissons à Clara les reines.

Derrière nous, la voiture des autres nous suit. Clara se dirige vers leur van, et commence à leur parler. Elle doit sans doute leur expliquer le problème. Je vois Alexeï descendre, et passer furtivement un bras autour des épaules de Clara. Grosse erreur de débutant. On n'entend rien d'ici, mais vu la manière dont elle a réagi, à prendre son bras comme un déchet, et à le repousser gentiment, mais sûrement, je me doute bien qu'elle ne lui a pas dit des mots tout doux. Je ricane. Mais oui, bien sûr. Je pourrai lui rappeler un certain épisode, dans une certaine prison... Ça n'avait pas l'air de la déranger, pourtant, de se faire lécher le visage. Alors, qu'elle s'éloigne de lui comme ça, je n'y vois qu'une seule solution : elle sait qu'on l'observe.

Bref.

J'attends toujours un message de Luke. Mais depuis que l'on s'est quitté, à son hôtel, je n'ai rien eu. Aucun appel, aucun message. Bon, c'est peut-être mieux comme ça. A l'heure qu'il est, je pense en regardant mon portable, il doit être dans l'avion. Ou du moins à l'aéroport.

Après avoir tourné en rond pdt 2h00 au moins, sans trouver de places, évidemment, et après avoir supporté les gémissements d'Anouck et Mathilde ("j'ai faim, j'ai soif, j'ai ceci, j'ai cela. Et tu trouves pas qu'elle est grave moche elle ?"), nous voyons Clara et Alexeï arriver en courant, des bracelets et des pass dans les mains.

- Alléluia, je souffle, quand Clara nous donne tout son barda.

- Alexeï est partit donner le reste aux autres. Ça, c'est votre bracelet, vous ne le perdez SURTOUT pas, hein Charlotte, c'est ce qui va vous permettre de vous faire repérer comme quoi vous avez payé votre place, et donc,que vous pouvez être là. Ça, continue-t-elle en nous donnant un plan, c'est le descriptif de la vallée. C'est grand, très grand même, c'est donc pour ça que je vous en donne un à chacune, ne le perdez pas non plus.

- Et si par malheur, on se perd, sans faire exprès ? questionne Anouck, inquiète.

- Bah, en général, quand tu te perds, tu fais pas exprès, rétorque Mathilde en souriant.

- Roooh, ça va. Mais on devrait pas se donner un endroit, au cas où ?

Inès lève les yeux au ciel.

- Bah au pire, tu te perds, et au mieux, tu demandes ton chemin à un gentil loup, que tu rencontreras dans les bois. C'est pas une bonne idée, ma princesse ?

Le ton de sa voix est tellement particulière, que j'explose de rire. Clara lève les yeux, Anouck se renfrogne.

- Bon, si ça peut te rassurer, on se dit l'entrée de la vallée, ok ? Bon, voilà. Comme ça, tout le monde est content. Et maintenant, allez, les filles, on arrête d'être vexé, parce qu'on eeeeeest ... à COACHELLA !!!

Nous nous mettons à rire. Depuis le temps qu'on l'attendait, ce putain de festival !

22h49, au centre de Coachella Valley

Back in black

I hit the sack

I've been too long I'm glad to be back

Yes, I'm let loose

From the noose

That's kept me hanging about

I've been looking at the sky

'Cause it's gettin' me high

Forget the hearse 'cause I never die

I got nine lives

Cat's eyes

Abusin' every one of them and running wild

AC DC résonne dans toute la vallée. Nous n'arrêtons pas de danser, de chanter, de rire, d'être heureux. Même si j'ai un peu de mal avec le rock. Mais bon. Tout le monde a oublié ses soucis, le temps d'une soirée. Enfant naïve.

J'étais à 10 000 de me douter que la journée de demain serait un véritable cataclysme.