PDV Anouck

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( en multimédia : Anouck )

PDV Anouck

Dès que le gérant nous a tendu les deux enveloppes, j'ai su. Rien qu'en regardant ce papier plié en deux, j'ai su que Gabriel me disait au revoir. Comment je me sens ? Je ne sais pas. Il commençait un peu à m'énerver. Oui, il me tapait sur le système. Mais j'avais des sentiments pour lui. Oui, beaucoup de sentiments. J'aimais ses yeux bleus, son sourire, sa gentillesse. Il était adorable, je tenais à lui. Donc, même s'il m'énervait, cette lettre que je tiens entre les mains me fera plus de mal que je ne le pense. J'ai peur de l'ouvrir d'ailleurs. Je suis assise sur un fauteuil de la chambre ; Clara est partie se laver, Inès dort en écoutant de la musique, et Mathilde et Charlotte sont parties faire des courses pour ce soir et pour la longue route qui nous attend demain. On part pour Seattle : 946 kms et plus de 8 heures de route. En plus, à Seattle, ce sera un grand tournent de notre road-trip, puisque la clique d'Inès nous attend ! Je m'explique : Inès a rencontré, quand elle était à Londres, un groupe de mannequin-amis, notamment. Et il se trouve qu'ils sont aussi aux USA en même temps que nous ! On a décidé, du coup, qu'on ferait la suite de la route ensemble. Ça va être génial !! Ils sont neufs, et on va bien s'amuser je pense ... Surtout que ... Non, vous verrez bien :)

Bref ... J'ai alors une idée qui me traverse la tête. Je ne veux pas réveiller Inès, ni déranger Clara ( je n'aime pas déranger les gens, ça me gêne ... ). Du coup, je laisse un mot sur le bureau, expliquant que je vais me promener. Cela me permettra de lire la lettre de Gabriel tranquillement, et de m'aérer la tête. J'ai besoin de prendre l'air, c'est tout. Je prends mon sac, ma lettre et mon chapeau, et je pars me promener.

Il fait beau, c'est vraiment agréable. Il y a une sorte de rivière à côté du motel, il y a des bans, la logique veut que j'aille m'asseoir là-bas. J'y vais donc. Je souffle un bon coup, m'installe, et sors la lettre. Mes mains tremblent un peu en déchirant l'enveloppe.


Anouck


Pardon. Excuse-moi d'être un lâche. Je suis parti parce que je ne voulais pas abandonner Luis, tu comprends. Solidarité masculine oblige. Mais je n'avais pas le cœur à te dire au revoir. Oui, revoir tes yeux encore une fois, ça me ferait trop mal. Tes si beaux yeux qui vont me manquer. Tu m'as montré une partie de la France que je ne connaissais pas ; grâce à toi, j'ai envie de découvrir ce pays qui te tient tant à cœur. Oui, le choc des cultures ... On a vécu 15 jours merveilleux, où j'ai appris à te connaître. Ce fut une belle rencontre, Anouck, tu es une belle rencontre. Donc merci. Merci d'être celle que tu es, merci d'avoir fait de ma vie, pendant deux belles semaines, une aventure extraordinaire. Il faut dire que croiser la route de cinq Françaises complètement atypique, c'est pas commun. Tu n'es pas commune, tu n'es pas comme les autres. Et c'est ce qu'il m'a plu tout de suite, dans cette rue de Detroit.

Alors pardon, pardon et merci. Je ne t'oublierai pas, Anouck, je te le promet.Parce que tu m'as énormément marqué.

Gabriel XXXXXXXX


Alors voilà. Notre histoire s'arrête là. Sur une lettre d'adieux. Sur des mots. Sur un dernier sourire. Je regarde la rivière couler. Je me sens un peu vide. Je ne pense à rien, mon esprit est totalement brouillé. Ma première relation avec un Américain s'est arrêté à deux semaines de relation. J'espère que ... J'espère que la fois prochaine, s'il y en aura une autre (je ne suis pas une p**** non plus, faut pas déconner !), cela durera plus longtemps. Je me lève, m'avance sur le pont, je m'arrête au milieu. Je lève la tête, et, sans penser à rien, laissant faire mon instinct, je lâche ce bout de papier où un bel inconnu me dit au revoir. Geste symbolique pour moi. Je regarde la lettre tourbillonner dans les airs, puis s'enfoncer dans l'eau. Le soleil brille encore, malgré les 19h00 passées. Il illumine la rivière, les arbres, les feuilles, tout. Oui, tout est illuminé. Je souris, et balance l'enveloppe aussi.

Et puis, à chaque fois que je suis en silence dans moi-même, à chaque fois que j'ai un peu de temps pour me ressourcer, je fais le point. Oui, je fais le point. Le point sur ma vie. Je suis partie à Londres, dans une école de stylisme. Ça a été une décision difficile. Vraiment, parce que dans ma famille, on a pas vraiment l'habitude de se séparer comme ça. Mais il le fallait, pour moi ; mes parents l'ont compris, et ça, j'en étais rassurée. Oui, ils savaient que c'était pour mon bonheur, pour mon avenir. Parce que le dessin, la mode, c'est toute ma vie. Et si c'était à refaire, je recommencerai tout, sans rien changer. 

[ Parce que la vie est faite de choix : Oui ou non. Continuer ou abandonner. Se relever ou rester à terre. Certains choix comptent plus que d'autres : aimer ou haïr. Être un héros ou un lâche. Se battre ou se rendre. Vivre ou mourir. Je vais le répéter une dernière fois, pour ceux qui en douteraient encore... La vie est faite de choix. Vivre ou mourir, le choix le plus important, mais la décision nous appartient rarement.

Le changement on aime pas ça, ça nous fait peur. Mais on ne peut pas empêcher les choses de changer. Soit on s'adapte, soit on reste en arrière. Ça fait mal de grandir, de changer. Si on vous dit le contraire c'est un mensonge. Mais la vérité c'est que parfois plus les choses changent plus elles restent les mêmes. Et parfois, parfois le changement a du bon, parfois le changement est la clef ...

Les gens disent qu'en restant optimiste, on est plus heureux et en meilleur santé. Enfant on nous apprend à sourire, à être de bonne humeur, à faire bonne figure, puis adulte on nous dit de voir le bon côté des choses, faire contre mauvaise fortune bon cœur, voir le verre à moitié plein. Mais régulièrement la réalité nous force à arrêter la mélodie du bonheur. Vous pouvez tomber malade, votre copain peut vous tromper, vos amis peuvent vous décevoir. C'est dans ces moments là qu'on a le plus envie d'être soi même, de tomber le masque et de montrer son vrai visage, angoissé, malheureux. ]

Donc,oui, quand je suis seule comme ça, dans le silence, j'aime penser à tout ce que j'ai fait, à tout ce que j'ai changé, tout ce qui s'est passé en peu de temps.

Je continue à un peu me promener, par si, par là, sans trop m'éloigner du motel. Manquerait plus que je me perde ... Merde ! Il est déjà 19h30, et j'ai dû recevoir au moins 15 messages des filles qui me demandent où est-ce que je suis. A croire que je n'ai pas laissé de mots ... Enfin bref, de toute façon, j'en ai marre de marcher sans but. Et en plus, je commence à avoir sérieusement faim. Alors, rentrons ! Il y a de la route demain, beaucoup de route, et je peux toujours rêver que je ne conduirai pas.

Je me retourne une dernière fois, vers le pont. Le soleil m'éblouit, je souris.

La vie est belle, hein, Julia !











Une part de moi-mêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant