Grey - L. S. [BXB] TERMINÉE

Chapitre 2

"But you didn't have to cut me off
Make out like it never happened and that we were nothing
And I don't even need your love
But you treat me like a stranger, and that feels so rough"

Il était assis dans ma cuisine trop grande, rendue étouffante par la seule perspective de sa présence. Mon regard ricochait sur les surfaces planes, propres et immaculées. Je n'avais aucun objet à quoi me raccrocher, tout était toujours si organisé que je pouvais simplement me perdre en moi-même.

Adam avait insisté pour avoir une pièce épurée, et sobre, comme il aimait. Nous n'avions jamais eu les mêmes goûts. Moi je préférais largement un grand bazar organisé, qui respirait la joie de vivre. Je ne pouvais pas dire que c'était le cas de notre foyer, il ressemblait davantage à une maison témoin qu'à un lieu de vie. Mais ça me changeait, pour une fois.

Une tasse de café fumante entre les mains, il me détaillait en silence. Adam m'avait toujours appris à recevoir nos invités ainsi, avec une boisson chaude. Alors il avait accepté son café, noir, sans sucre. Mais était-il réellement un invité ? Pas vraiment. Je n'avais pas souhaité sa présence, il était juste... Là. Le dos droit, quelques années en plus, et son regard acéré.

— Alors... commençais-je.

— Je pense... dit-il en même temps.

Nos phrases s'étaient emmêlées, et après des secondes de silence supplémentaires, c'est lui qui prit finalement la parole, non sans que nos regards ne se verrouillent. Sauf que je n'avais jamais été doué pour soutenir l'inquisition d'une âme, encore moins la sienne. Alors je détournais une fois de plus mon attention sur mon thé que je couvais entre mes paumes.

— Je pense qu'on doit s'expliquer tous les deux.

Non. Il n'y avait rien à dire, rien à ajouter. Le temps s'était égrainé, et je ne comprenais pas pourquoi il voulait tout remuer. C'est ce que je voulais lui dire, mais tout stagnait dans mon thorax. Lui semblait tellement sérieux que cela me faisait peur. Son visage était si différent et pourtant, c'était bien lui. Dans la rue, je l'aurais tout de suite reconnu, mais sans que je ne puisse mettre la main dessus. Il était clair qu'il avait changé. Il avait vieilli différemment. Dorénavant, il faisait plus âgé que moi, alors qu'il était de deux ans mon cadet. Mais il avait l'air mature, adulte, et cela me frappa réellement parce que la dernière fois que nous nous étions vus, nous n'étions encore que des adolescents.

— Qu'est-ce que tu fiches ici, Harry ?

C'était certes peu poli, mais les questionnements étaient en train de me submerger, l'hébétude s'émancipait peu à peu et j'étais lentement en train de réaliser que Harry était dans ma cuisine. Il haussa les épaules, comme si ma question n'avait pas de sens.

— Je suis sorti.

Ça, je pouvais le constater par moi-même. J'avais oublié à quel point c'était difficile de lui arracher les mots de la bouche. Cette habitude de creuser continuellement à la recherche d'informations, je l'avais perdu avec Adam. Lui était totalement transparent, je n'avais pas besoin de chercher plus loin. Enfin... c'est ce que je me disais.

— Et donc ?

Il fronça les sourcils face à mon ton nonchalant. Est-ce qu'il savait à quel point cela me coûtait de rester calme ? De ne pas céder à la panique ? Ou est-ce qu'il l'avait oublié, tout ça ? Avait-il oublié que je n'étais pas ainsi ? Que j'aurais dû me mettre à terre et pleurer tout mon saoul ?

— Tu te fous de ma gueule ?! s'exclama-t-il.

Je fermais les yeux, fort, gardant l'air dans mes poumons. J'avais envie que tout disparaisse, et de me rendre compte que ce n'était qu'un énième cauchemar où mon passé me sautait à la gorge. Je ne voulais pas gérer ça, pas après tout ce temps. Je ne voulais pas me disputer, ni que ses reproches me percutent de plein fouet. Pas alors que c'était à moi d'être le plus en colère.