"Oh, home, let me come home
Home is wherever I'm with you"Devant ma toile, je cogitais. Je n'arrêtais pas de penser à cette fichue foire d'art, et plus j'y pensais, plus j'étais bloqué, et plus j'étais bloqué... C'était un foutu cercle vicieux. La seule chose que j'avais réussi à faire, c'était la première couche, blanche, impersonnelle, le réceptacle de toute ma verve artistique. Mais à part ça, je ne savais plus. Devais-je plutôt décrire une arabesque, ou aller sur une ligne droite, incisive ?
Je ne savais même pas depuis combien de temps mes tourments m'attaquaient en bande, mais l'odeur du solvant commençait à me monter à la tête. J'aimais cette sensation de voir un peu les étoiles, ce chimique entrelacé de naturel. Mais je savais bien qu'il était mauvais de s'y exposer trop longtemps, et là, je m'asphyxiais moi-même avec ce vide artistique.
Au moment où je décidais d'abandonner, mon téléphone sonna dans ma poche arrière.
Distrait, je répondis sans même jeter un œil à l'émetteur de cet appel.
— Ouais ?
— C'est comme ça que tu réponds au téléphone, toi ?
En réalité, je m'étais attendu à ce que ce soit Léda, ou Adam. Les deux savaient que j'étais dans une mer sèche, aride et pourtant si dense d'indécisions. Ils auraient également deviné que j'étais encore dans mon sanctuaire, que je n'avais même pas encore mangé, et que j'étais toujours en pyjama, alors que je leur avais promis de faire des efforts là-dessus.
La voix au bout du fil me pétrifia, et je décollais le téléphone pour regarder le nom inscrit dessus.
"H". Je n'avais pas osé écrire son nom en entier, au cas où ce genre de situations se produiraient. Adam n'était toujours pas au courant de tout ce remue-ménage, et je ne comptais plus lui dire. La culpabilité était passée, surtout depuis qu'il se comportait comme un enfoiré.
— Merde. Désolé. Je pensais que ce serait quelqu'un d'autre.
J'entendis dans son inspiration qu'il s'apprêta à me demander qui, mais il se ravisa. Nous avions conversé quelques fois après mon escapade à Polperro. Rien de bien intéressant, je lui demandais souvent de m'envoyer des photos de Newham, pour me replonger un peu dans ce quotidien que je ne connaissais plus. Mais j'avais arrêté quand j'avais constaté qu'il ne savait pas cadrer, et que ses photos étaient toujours floues. L'artiste en moi avait été bien trop frustré.
— Tu fais quelque chose, là ?
Oui je mène un duel avec ma toile, et pour le moment, je perds.
— Non, pas vraiment.
— Cool, tu veux... sortir ?
Sa demande me surprit un peu. Non pas parce que cela sortait de nulle part - je commençais à me réhabituer à sa spontanéité - mais plutôt parce que je me demandais pourquoi il voulait passer du temps avec moi. J'aurais voulu dire oui, mais je ne me sentais pas de respirer l'air du dehors en toute tranquillité pendant que mon âme artistique attendait patiemment de se faire libérer.
— Je... Je dois finir de peindre.
Il ne répondit pas tout de suite, et je sentais que c'est parce qu'il me posait une question muette.
— Je peux venir ? Voir comment tu fais ?
Harry n'avait jamais vraiment vu une seule de mes toiles à l'époque. Principalement parce que la majorité de mon art résidait dans le dessin, puis quand j'avais trouvé mon support préféré, je l'avais caché, trouvant cela trop... Intime.
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Grey - L. S. [BXB] TERMINÉE
RomanceLouis est un peintre tant bloqué dans son art, que dans sa banlieue chic de Londres accompagné de son fiancé. Harry sort de prison. Ces deux-là n'ont rien à voir et pourtant un lourd passé les lie. Que se passe-t-il lorsque Harry décide de resurgir...