Chapitre 14

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"And right now, there's a steel knife in my windpipe
I

can't breathe, but I still fight while I can fight

As long as the wrong feels right, it's like I'm in flight"

Je déambulais entre les cadres dans la Cornish Image Gallery, me nourrissant de tous ces petits bouts d'histoires un peu hors du temps. Adam avait tenu parole : dès vendredi soir, nous avions fait nos bagages, et avions conduit une bonne partie de la nuit pour arriver rapidement à Polperro. Je n'y avais pas cru jusqu'au moment où nous étions arrivés dans notre petit cottage. Je m'y étais instantanément senti comme chez moi. Ce lieu renfermait tous mes plus beaux souvenirs avec Adam. Loin de tout, il ne se comportait plus comme un manager inflexible, mais plutôt comme un fiancé soucieux. À chaque fois que nous étions ici, je me souvenais pourquoi je l'aimais, et tous mes doutes s'évaporaient. J'en avais parlé à Léda, et elle m'avait regardé, toujours avec son visage suspicieux. Je savais ce qu'elle pensait de moi en ce moment : que j'étais un gros dégonflé. Elle n'avait jamais tenu une relation plus de quelques mois, il était normal qu'elle ne comprenne pas à quel point un couple avait ses hauts et ses bas, puisqu'au moindre problème elle fuyait.

Je soupirais doucement en chassant ces idées parasites pour me concentrer sur les photographies. Elles se déclinaient toutes en plusieurs teintes, même si la majorité était en noir et blanc. Brutes. Contrastées.

Mon truc à moi, c'était clairement plus le dessin et la peinture, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'être happé par toutes sortes de créativité visuelle. Et ici, à Polperro, l'art régnait en maitre : de la jeune fille au vieux monsieur, tout le monde touchait un peu à tout. C'était un village si riche qu'en une année je n'aurais pas eu le temps de comprendre les secrets qu'il y renfermait.

– Alors ? Vous voyez quelque chose qui vous intéresse ?

C'était le vieux monsieur de la boutique. Il avait le regard affuté ainsi que les mains usées de l'artiste qui donne de sa personne. Je le couvais d'un regard amical, avant de désigner une photographie.

– Oui, je vais vous prendre celle-ci.

La boutique était une sorte de bric-à-brac anarchique, l'intérêt était de dénicher un trésor, et pour cela, il fallait fouiller, regarder, analyser. Souvent, ce même trésor se trouvait de façon hasardeuse, au détour de la boutique, il happait notre âme. L'une des œuvres m'avait particulièrement heurté. Pourtant, elle ne représentait qu'une maison côtière, un peu décrépie, mais résistante aux années, léchée par une mer déchainée. Elle restait fière, surplombant cette tempête aqueuse en lançant un regard torve. Mon cœur avait bondi dans ma poitrine en la voyant : parfois, l'art ne s'expliquait pas.

Le vieux monsieur se saisit du cadre et claudiqua vers la caisse en désordre.

– Ça vous fera cinquante dollars.

Je ne discutais pas, et fouillais dans mes poches pour récupérer mon portefeuille. L'homme en profita pour jouer les curieux.

– Vous êtes là pourquoi ?

Je lui tendis l'argent, et récupérai le cadre.

– Je suis là avec mon... Un ami. Nous venons passer le weekend.

Le mot fiancé avait failli m'échapper. À Londres, ce n'était pas un problème. Mais ici, on ne pouvait jamais prévoir la réaction des habitants. Il hocha la tête, et fronça ses sourcils broussailleux.

– C'est drôle ça, personne ne vient à cette période de l'année normalement.

Le village ne fourmillait pas de touristes, c'était clair. Pour cause : le temps gris et la légère bruine qui l'accompagnait continuellement. Cela ne me dérangeait pas, je n'avais jamais aimé la chaleur.

Grey - L. S. [BXB] TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant