Chapitre 12

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« The truth is, he lies
I know you don't want to let go
And just like before
I can see that you're sure
You can change him but I know you won't »

– Merci Monsieur Tomlinson, nous vous recontacterons dans trois jours pour vous donner la réponse.

L'examinateur était strict derrière ses lunettes un peu fantaisistes et sa moustache en épis. Il n'avait pas décroché un sourire, pas même de sympathie lorsque j'étais monté dans la voiture avec le regard d'un condamné. Je hochais la tête, mutique, et je sortis de l'habitacle étouffant. J'inspirais une grande goulée d'air, saluant une dernière fois l'inspecteur avec maladresse.

Cela faisait quelques temps que je me penchais dessus, et le jour fatidique était arrivé : je devais passer mon permis de conduire. C'était une des conditions d'Adam. Il m'avait souvent rappelé que le permis, c'était la liberté, et que j'en avais besoin. C'était souvent suivi par une plainte de sa part de devoir m'emmener partout.

J'avais bien essayé de le contrer en lui disant qu'on vivait à Londres, que les transports en communs étaient nombreux, mais rien à faire. C'était "au cas où" nous irions vivre en campagne. Je n'avais jamais été d'accord pour quitter ma ville, moi.

Je fis quelques pas, fouillant dans ma veste et j'en sortis mon paquet de cigarettes. J'en saisis une avant de l'allumer, les mains tremblantes. Objectivement, j'avais complètement foiré. J'avais mordu à un stop, j'étais en dessous de la limitation de vitesse sur l'autoroute, et pour couronner le tout, j'avais presque oublié de donner la priorité à un autre usager.

Je sentais une boule se former dans ma gorge et en réponse, je tirais plus fort sur ma cigarette avant de la regarder d'un air sombre entre mes doigts. J'avais jusqu'au mariage pour arrêter de fumer et devenir un bon mari pour Adam. Il fallait seulement que je me calme.

A mesure que je me le répétais, les pensées parasites venaient tout de même me court-circuiter. Elles s'accrochaient à moi comme on s'accroche à un navire, polluant les dernières parcelles de lucidité dont je disposais. Ça commença par mon ventre qui se tordit douloureusement, et puis, ça remonta dans mon plexus, là ou une décharge irradia ma poitrine. Je sentais l'angoisse monter. Alors je fis la seule chose que je savais faire : je me saisis de mon téléphone et j'appelais Adam.

Je savais qu'il décrochait toujours, parce que nous avions instauré une règle : je ne devais l'appeler qu'en cas d'extrême urgence. Est-ce que la sensation de mourir en était une ? Je n'eus pas le temps de me poser vraiment la question, parce qu'il décrocha aussitôt.

– Louis ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Je sentais une légère tension dans sa voix. C'est au moment de lui répondre que je me rendis compte que ma gorge était serrée et que les larmes menaçaient de couler.

– J'arrive... plus... respirer...

Je voyais bien que j'allais bientôt m'étouffer, manquer d'air et voir les étoiles. Tout s'accélérait, et j'étais incapable de lui expliquer la situation en détail.

– Okay, les exercices de respiration de Mme. Lin, tu t'en souviens ?

– Non..., pleurais-je tout en commençant à hyperventiler.

J'essayais de retrouver dans ma mémoire les étapes. Regarder autour de soi. Nommer les objets. Ça je pouvais faire : une bouche d'égout, un café, un vélo... Ça ne fonctionnait pas.

– D'accord mon cœur, j'arrive, partage-moi ta position. Je suis là aussi vite que possible.

Il n'attendit pas que je lui dise que ça allait, que ce n'était pas la peine, que je pouvais m'en sortir seul, parce que de toute façon ce n'était pas le cas. Harry avait raison, j'avais besoin des autres. Cette énième constatation me brûla la poitrine et je m'accroupis pour de bon, me rapprochant dangereusement du sol. Je fermais mes paupières, évitant de voir le décor de ma vie danser devant mes yeux. Et j'attendis comme on attend la mort.

Grey - L. S. [BXB] TERMINÉE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant